Pour en savoir plus sur les inondations et la gestion des crues dans le paysage

publié le 11 avril 2016

Phénomènes de crues et aménagements mis en œuvre pour maîtriser et gérer les eaux

La Loire, un fleuve aux crues régulières mais imprévisibles, de type océaniques

De type océanique (c’est-à-dire caractérisées par de longues périodes pluvieuses amenées par l’influence océanique, généralement en saison froide, s’étendant sur une grande partie du bassin versant), parfois mixte (lorsque les crues brutales dites cévenoles affectant le Massif Central se combinent au crues océaniques), ces débordements ont entraîné de nombreux dégâts, paralysant certaines villes et villages, démolissant maisons, bâtiments publics, noyant des troupeaux.
Il existe peu de statistiques avant 1850. Cependant, on sait qu’entre 1850 et 1929, en moins de 80 ans, trente six fois l’eau a atteint ou dépassé 4 m 50 aux Ponts-de-Cé, c’est-à-dire une côte qui implique la submersion de tout le val. La crue connue la plus importante remonte à décembre 1910 et a affecté tous les Pays de la Loire.
Bien que se produisant régulièrement, les crues ne sont pas prédictibles avant que les événements pluvieux qui en sont à l’origine ne surviennent. Les hauteurs puis les débits atteints lors des crues ainsi que les statistiques permettent d’échelonner l’occurrence des crues dans le temps. Ainsi, une crue centennale se produit en moyenne tous les 100 ans, sans qu’elle ne se produise nécessairement une fois tous les 100 ans. De même plusieurs crues centennales peuvent se produire à quelques années d’intervalles.
Les crues de la Loire ne sont pas homogènes sur le territoire et les phénomènes d’inondation dépendent des apports des rivières confluentes (cumul de débit). Ainsi, la dernière crue océanique marquante sur la basse Loire est celle de décembre 1982 avec un débit de 6 300 m3/s en aval de la Maine alors qu’en amont elle était relativement modeste (2 300 m3/s).

Les crues de la Loire, alimentées par l’ampleur de son bassin versant

La géométrie du tracé hydrographique est résolument dissymétrique sur les 3/4 de l’ensemble de son cours. Jusqu’à la confluence avec la Maine, les affluents majeurs de la Loire viennent du Sud. Tous subissent donc les mêmes types de temps océaniques et leurs épisodes d’abondance ou de pénurie coïncident de façon d’autant plus fâcheuse que leurs jonctions se concentrent sur des secteurs limités : le Cher, l’Indre et la Vienne confluent sur quelques kilomètres entre Villandry et Candes.
A la confluence avec la Maine, La Loire reçoit du nord les eaux des rivières importantes que sont La Mayenne et L’Oudon, la Sarthe et le Loir. Ces rivières traversent des zones géographiques proches et présentent des régimes hydriques assez similaires (même si on note une plus grande réactivité de la Mayenne). Les crues de la Maine sont fréquentes, elles inondent alors l’ensemble de la vallée en amont d’Angers. Lors des crues les plus importantes, la ville d’Angers est inondée.
Les crues de la Maine sont très étalées et risquent parfois de se cumuler avec celles de La Loire amplifiant alors considérablement le phénomène, comme en 1995 où la crue s’est répercutée sur les basses vallées angevines.
Sur le socle cristallin du massif armoricain, les apports d’eau se font moins importants car les bassins versants sont plus réduits et les rivières plus étalées dans l’espace. Les lacs et étangs, plus nombreux, provoquent des effets de laminage en réduisant le débit de pointe de la crue et jouent ainsi le rôle de zone tampon. En cas d’épisodes pluvieux continus, ces réservoirs et les sols environnants peuvent saturer et donc déverser le trop-plein vers la Loire. Si celle-ci est déjà en crue, l’eau ne peut pas s’écouler et des phénomènes de reflux des eaux peuvent se produire (vallée de l’Erdre).
En aval de Nantes, la combinaison des crues avec les facteurs maritimes tels que les forts coefficients de marées, des forts vents de sud-ouest, ou une dépression atmosphérique, peut entraîner une surcote importante dans l’estuaire.

Régime des rivières et importance des inondations

Paysages inondés de la vallée du Loir
Paysages inondés de la vallée du Loir


Les conditions climatiques, la taille et l’occupation du sol des bassins versants, la forme des vallées, les aménagements des abords de rivières et de fleuves par l’homme vont jouer un rôle dans le régime des rivières et l’importance des inondations.
Dans les vallées larges et planes (la Mayenne, la Sarthe, le Loir), l’eau s’étend en surface dans toutes les plaines des basses vallées angevines tels de larges miroirs d’eau, s’accompagnant de jeux de reflets et du développement d’une flore particulière.
Dans les vallées étroites, profondes et encaissées (partie aval de la Sèvre Nantaise et de l’Erdre, la Moine), les débordements sont contenus par les coteaux abrupts. On observe peu d’impact en dehors du couloir de la vallée.
Dans les vallées dissymétriques (le Thouet), l’eau déborde sur la plaine assez large alternativement sur la rive droite puis sur la rive gauche, entre chaque méandre. L’eau s’étend en de larges miroirs d’eau, s’accompagnant de jeux de reflets et du développement d’une flore particulière.
Dans la vallée de l’Erve, les crues sont longues et limitées, régulées par le canal Saint-Félix. L’eau s’épanche dans les marais et les marécages qui constituent des réservoirs d’eau importants.
Les crues ont pour conséquence des courants importants, des destructions de berges et de la végétation associée, et l’immersion de certaines routes des vallées sauf celles réalisées en levées. Elles modifient complètement la perception des paysages en unifiant les plans horizontaux, en créant des jeux de miroirs, en modifiant la perception des distances et des profondeurs des paysages. Elles induisent un caractère à la fois identitaire et insolite lorsque des arbres, une peupleraie, un pont surgissent de l’eau. Le phénomène est d’ampleur telle, qu’elles induisent ainsi une véritable identité des lieux et des paysages régionaux avec laquelle les habitants de la région ont appris à composer et qui ne peut laisser indifférent.

Histoire des levées de la Loire, des structures privilégiées de découverte du paysage

Levée sur la Loire vers Ancenis, permettant un passage privilégié auprès de la Loire
Levée sur la Loire vers Ancenis, permettant un passage privilégié auprès de la Loire


Dès le Moyen-âge, de petites digues discontinues, les turcies, sont édifiées sur tout le linéaire de la Loire pour protéger les maisons. Agissant comme des barrages noyés, ils sont progressivement reliés entre eux et confortés par des fascines et des pierres sur lesquels vont prendre place des chemins : c’est la naissance des levées.
Dès 1160, le roi d’Angleterre Henri II Plantagenet fait élever une digue continue de près de 40 kms dans la partie orientale du Val de Loire. Il incite les vétérans de son armée et des étrangers à la région à s’y installer moyennant compensations, donnant naissance à de nombreux villages. Ceux-ci construisent une digue assez large pour porter des maisons et assez haute et puissante pour contenir le fleuve.
Vers 1330, la levée construite sur ordre d’Henri II fut prolongée vers l’aval, en direction des Ponts-de-Cé et protège la vallée entre la Loire et l’Authion, alors occupée par une forêt primitive plus ou moins marécageuse. Défrichement et assèchement marquent le paysage jusqu’au XIVe siècle.
Les levées sont renforcées au XV, XVI et XVIIe siècles, sous Henri IV puis sous Colbert, où elles sont de plus de plus élevées. Des paroisses se créent et la valeur des terres protégées et cultivées s’accroît considérablement jusqu’au début du XVIIIe où le Val de Loire subit une série d’inondations du fait de la canalisation des eaux, même sommaire.
De nombreuses brèches apparaissent dans les levées et les ponts sont ébranlés ou emportés par le courant. Il faut les reconstruire et relever les quais (1716 - 1760). En 1732, la grande levée est prolongée de La Daguenière à Trélazé (un monument érigé en 1743 à La Pyramide rappelle cet événement).
Depuis 1866, les levées ont réussi à contenir sans accident majeur toutes les grandes crues. En 1910, année particulièrement néfaste, les levées de Savenières, Montjean et de La Divatte furent emportées par l’eau mais la grande levée du Val d’Anjou supporta la crise sans défaillance. Ce résultat est dû sans doute à la solidité de son revêtement lisse en maçonnerie et chaux hydraulique qui laisse à l’eau le minimum de prise.
Aujourd’hui, les levées continuent de protéger les terres basses des eaux de la Loire. Elles constituent un moyen de découverte privilégié du paysage (axes routiers).

Le patrimoine des aménagements liés à l’eau (rivières et océan)

Dans les vallées ou sur le littoral, la mise en œuvre de levées (Loire) et de remblais (Sables d’Olonne) a pour objectif de protéger les terres des effets de l’eau (inondations, courants, assaut des vagues…) et d’en stabiliser la morphologie. Ces aménagements permettent le maintien de lieux de vie et d’activités (agricole ou touristique) dans les espaces inondables ou fragiles, ils constituent également des espaces de circulation. Ils figent les espaces d’interface, qui ne sont plus libres d’évoluer de manière naturelle, ce qui peut poser des problématiques importantes en cas de saturation des milieux ou en cas de rupture (l’urbanisation littorale et la durcification du trait de côte ne permettent plus à l’eau de s’écouler dans le sol, ce qui amplifie les phénomènes d’inondation sur le littoral ; les ruptures de digue lors des grandes marées ou des levées pendant les grandes crues ont provoqué des immersions mortelles…).

La levée de l'Authion protège les terres agricoles céréalières des crues de la Loire et de l'Authion
La levée de l’Authion protège les terres agricoles céréalières des crues de la Loire et de l’Authion

Protection des terres agricoles des polders de la mer par des remblais artificiels
Protection des terres agricoles des polders de la mer par des remblais artificiels

Les portes marinières, les écluses et les barrages permettent de contrôler les débits et les niveaux d’eau dans les rivières et les marais. Leur contrôle fin s’opère à des fins de navigation, de gestion des écoulements des eaux dans les bassins versants en lien avec les problématiques d’inondation et d’irrigation, de maintien des milieux… Ces éléments construits jouent aujourd’hui un rôle paysager important dans les paysages de ces vallées tant par leur qualité architecturale intrinsèque, que par leur caractère de ponctuation et d’animation de ces paysages linéaires et les rythmes et contrastes qu’ils génèrent.

Les écluses, des ouvrages de régulation de l'eau majeurs dans les paysages de marais
Les écluses, des ouvrages de régulation de l’eau majeurs dans les paysages de marais


Sur la Loire, la mise en place d’épis a permis la création d’un chenal de navigation permettant de remonter à hauteur de Bouchemaine près d’Angers. Ces enrochements qui se découvrent de manière différentielle, dressent aujourd’hui des lignes sombres qui marquent le paysage lors des périodes d’étiage et constituent ainsi des éléments de lecture du niveau de la Loire. Toutefois, leur mise en place combinée à l’exploitation de sablières a engendré l’abaissement de la ligne d’eau à l’étiage, avec pour conséquence un impact sur la course des sédiments révélant des problématiques des fragilisations des berges naturelles ou construites.

Les épis ligériens, des empierrements visant à conserver un chenal de navigation
Les épis ligériens, des empierrements visant à conserver un chenal de navigation


Les outils et politiques de gestion et d’aménagement influencent le devenir des paysages d’eau
Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE) et leur déclinaison locale (SAGE) sont des outils (rendus obligatoires par la loi sur l’eau de 1992) mis en place par l’agence de l’eau pour fixer des orientations de gestion de la ressource en eau des bassins versants (à diverses échelles). Ils induisent :

  • la sauvegarde et la mise en valeur des zones humides
  • la reconquête du bocage des vallées
  • la mise en place de bandes enherbées
  • le retour aux prairies des fonds de vallons

Ils peuvent être révisés pour intégrer les principaux objectifs environnementaux nouveaux introduits par la directive cadre sur l’eau découlant des directives européennes, transposée en 2004, et de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006.

Cartographie des zones inondables

La cartographie des zones inondables dans les Plans de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) et les Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) sont des outils indispensables pour connaître et ainsi prévenir les risques d’inondations et préserver non seulement les milieux naturels, mais aussi la sécurité des personnes et des biens. Ils sont annexés aux documents d’urbanisme et définissent la dangerosité des zones et les mesures à y prendre, de la simple précaution à l’interdiction de construction.
Pour aller plus loin : Site du Ministère : rubrique prévention des risques et le portail des risques majeurs.