Les caractères du perche sarthois et de l’Huisne
Un relief mouvementé dessinant des lignes paysagères fortes
L’accident tectonique de l’Huisne
L’axe de l’Huisne est un linéament de première importance dans le Bassin Parisien, qui s’étend sur une centaine de kilomètres, c’est-à-dire un alignement structural de dimension variée correspondant à un accident de l’écorce terrestre dont l’influence se fait sentir sur des millions d’années au cours de phases tectoniques successives. Cette donnée géologique trouve sa traduction encore aujourd’hui dans le paysage et explique la force de cette rivière et l’importance de son rôle pour la composition paysagère.
L’accident de l’Huisne a donc orienté le cours de cette rivière à la vallée encaissée (entre +89 m à l’amont et + 55 m à l’aval) dont la plaine alluviale a une largeur moyenne de 1 km. Les affluents de la rive gauche sont de modestes ruisseaux généralement peu encaissés, en revanche, les affluents de la rive droite entaillent profondément le plateau nord. La conjonction de l’alternance couches dures - couches tendres a engendré la morphologie de plateaux entaillés de vallées aux pentes abruptes.
La faille principale qui suit grossièrement la rive gauche (trait noir sur la carte ci-dessous) du lit majeur de l’Huisne est accompagnée de failles secondaires qui déterminent un chapelet de petites structures en horst (compartiment surélevé comme à Vouvray-sur-Huisne, la Ferté-Bernard), et graben (fossé d’effondrement comme à Villaines-la-Gonais).
La cuesta de Melleray
« La retombée des plateaux du Faux-Perche sur le Perche se fait par l’intermédiaire de la cuesta de l’argile à silex depuis Béthonvilliers jusqu’à Melleray suivant une direction N-S, puis jusqu’à le Plessis-Dorin suivant une direction W-E (fig. 1). L’altitude moyenne de cette cuesta oscille entre les cotes 250 m à l’Ouest et 170 m à l’Est. » Les alignements de collines du Perche correspondent à des buttes témoins (200 à 260 m) aux versants souvent asymétriques, dégagées par l’érosion à partir des plateaux d’Argile à silex, qui soulignent les lignes de la cuesta. La cuesta est par ailleurs entaillée de quelques vallons des affluents de la Braye et de l’Yerre (Région Centre – Val de Loire) qui adoucissent les reliefs, induisent des moutonnements et renforcent les effets collinaires.
Au sud de l’Huisne, de Courgenard-Théligny à Montmirail, deux à trois niveaux (parfois plus) calcaréo-gréseux (jurassique) forment des entablements (ou marches d’escaliers) plus ou moins continus sur les versants, se substituant ainsi au coteau et marquant un étagement du paysage.
Des structures géologiques qui orientent la lecture du paysage
De cette histoire géologique, il en résulte aujourd’hui, un paysage orienté, suivant l’axe de la vallée de l’Huisne et ses affluents majeurs, la cuesta au sud-est. Si la découverte ou l’appréhension du territoire se fait dans le respect de ces grandes lignes structurelles, alors le paysage semble lisible structuré et harmonieux, sinon une certaine confusion peut s’instaurer et seule la morphologie collinaire émerge.
Des hauteurs boisées : repères, écrans renforçant les effets des reliefs, effets de lisières …
Les buttes, hauteurs de cuesta, lignes boisées des coteaux sont souvent couvertes de boisements dans lesquels le châtaignier tend à prédominer au sein de la chênaie sessiliflore composée de chênes sessiles qu’accompagnent des hêtres, charme, néfliers sauvages, merisiers et bouleaux verruqueux …
Une mise en scène du paysage
Il en résulte aussi un paysage organisé sur un principe de marches ou d’étagement qui induit une mise en scène des paysages de l’unité, avec des vues longues et dégagées depuis les hauteurs, des effets de belvédère dominant l’ensemble du paysage de l’unité.
Un bâti rural de qualité révélé par les pratiques agricoles
Les matériaux caractéristiques du Perche
Source : Notice de la carte géologique N° 0324N – Authon du Perche. 2004.
Les carrières qui subsistent actuellement, sont soit abandonnées (Argile à silex, Sables du Perche, Craie glauconieuse) soit en exploitation lorsqu’elles ont un intérêt économique (Sables et grès de Lamnay) ou un intérêt local momentané (Sables du Perche). Ces sables roux, souvent ferrugineux et argileux, servent à l’entretien des chemins de terre. Sables et grès de Lamnay, très peu ou pas argileux, sont cimentés en lentilles ou en bancs de grès calcaires. Ces derniers sont exploités localement pour l’empierrement et les sables comme sol des pistes d’entraînement pour chevaux de course. La craie de Théligny se retrouve dans les encadrements de certaines ouvertures (pierre blanche) et a été utilisée autrefois comme amendement pour l’agriculture locale.
L’argile donne au Perche ses nuances. La richesse du sous-sol a induit un ensemble d’activités liées à la brique et la tuile, notamment les tuileries d’Avezé, La Chapelle-du-Bois, Cherré … Tuiles et briques se retrouvent dans les encadrements des ouvertures mais aussi sur les toitures avec cette petite tuile brune caractéristique.
Le sous-sol du Perche est riche en matériaux exploitables que l’on retrouve dans l’architecture locale et qui donnent à ces paysages leurs chaudes tonalités (pierres blanches, crépi ocre, toits de tuiles sombre).
Dans sa notice sur les architectures rurales en Sarthe Perche, le CAUE 72 précise qu’outre la variété du sous-sol, « la proximité de fortes entités (vallées du Loir et de la Braye, mais aussi Beauce, Normandie) élargissent la palette des nuances d’un pays dont il faut en visiteur tranquille, au pas peut-être du cheval percheron qui fait la renommée internationale de ce pays, apprécier la rigueur somptueuse des couleurs »
Pour en savoir plus sur la richesse et la qualité des sols du Perche Sarthois et Huisne
Un bâti rural traditionnel aux volumes sobres et imposants
Les fermes se présentent comme des ensembles dont la forme en L ou en U est apparue au XIXème siècle et dont les cours sont en général ouvertes. Le bâti est simple, aux volumes sobres et imposants (maisons à étage, sur base carrée) et accompagné de nombreuses dépendances.
Les fermes en activité aujourd’hui sont entourées de nouveaux bâtiments aux volumes encore plus imposants et qui tranchent souvent dans leur implantation, leurs couleurs et textures.
Un paysage aujourd’hui ouvert par de grandes cultures, animé du bâti dispersé typique du bocage
Ce bâti rural dispersé est traditionnel d’un secteur bocager, même si la maille est aujourd’hui altérée. La conjonction géographique de quelques bordages explique la création de hameaux. Le bocage relictuel reste encore lisible, avec quelques belles lignes de haies bordées de fossés ou sur talus qui remontent sur les pentes ou inversement en appui sur les boisements de buttes qui descendent vers les creux. Ces lignes sont composées de strates arbustives et arborées dans lesquelles chênes, charmes, châtaigniers, aubépine et autres essences se mélangent. Dans les fonds des vallées de la Braye, de l’Huisne ou de leurs affluents, la trame bocagère est différente : traditionnellement, ces secteurs étaient valorisés en grandes prairies communes ce qui se traduisait par un paysage ouvert sur de grandes parcelles. Suite aux remembrements liés aux grandes infrastructures (Autoroute A11 et Ligne Grande Vitesse), ce parcellaire a été morcelé ; des haies de clôture (sans talus ou fossé) marquant ces nouvelles limites ainsi que des arbres isolés ont parfois progressivement fermé ce paysage. Elles confortent la ripisylve (peupliers, aulnes …) qui ondule et souligne le cours des rivières et ruisseaux.
Pour en savoir plus sur les paysages du Perche Sarthois (dossier ressources de l’exposition "paysage en révolution" du centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine du pays du perche sarthois)
Pour en savoir plus sur les paysages de bocage
Les cultures sont bien présentes en complément des prairies, sans systématisme dans les localisations au gré des possibilités des sols et des expositions … elles induisent un patchwork de couleurs en fonction des cultures mais aussi en lien avec la terre nue labourée dans laquelle l’émergence du calcaire rappelle le socle de ce territoire et ont ouvert le paysage.
Des Châteaux sur les flancs de coteaux ou de buttes
Implantés généralement en lisière des bois et forêts, à mi-pente des coteaux et revers de buttes et cuestas, ouverts sur les vallées pour profiter de vues dégagées, les châteaux ou manoirs s’identifient par leur volume imposant, leur architecture très travaillée et la couleur souvent claire de leur façade contrastant avec l’ardoise de leur toiture. Les parcs semblent prolonger le tissu boisé ou bocager sur lequel ils s’appuient et dessinent un cadre autour de l’édifice. Caractère identitaire de l’unité, ces éléments de ponctuation et d’animation du paysage se retrouvent préférentiellement sur les coteaux de l’Huisne et de ses affluents, dans la vallée de la Braye, bénéficiant des longues perspectives offertes par ces paysages.
La force des paysages urbains
L’unité du Perche Sarthois et l’Huisne est profondément marquée par son caractère boisé et agricole mais les paysages urbains s’expriment très fortement et constituent un caractère important du paysage.
Les bourgs exposés par le jeu du relief (coteaux des vallées et buttes)
Les effets de relief prononcés qui caractérisent l’unité ont été propices à l’implantation de nombreux bourgs en position dominante, contrôlant les vallées, observant pour se protéger :
- sur les coteaux des vallées : Connérré, Montfort-Le-Gesnois, Sceaux-sur-Huisne, Saint-Aubin-des-Coudrais
- sur les buttes, véritables bourgs promontoires : Montmirail, Lamnay, Gréez-sur-Roc
Sur ces reliefs, les bourgs s’exposent, dévoilent l’étagement de leur urbanisation, présentent un enchevêtrement du bâti ancien et des diffusions plus récentes. Leurs silhouettes constituent par ailleurs de véritables points de repère, éléments signal qui ponctuent et animent le paysage, lui donne une valeur patrimoniale.
Des bourgs de vallée qui tissent une relation intime avec l’eau :
La Ferté-Bernard, Vibraye, les bourgs dans la vallée de l’Huisne, de la Même … tissent chacun à leur façon une relation toujours intime avec l’eau. Elle peut se traduire par la présence forte de l’eau dans la ville : le cœur historique de la Ferté-Bernard est irriguée par les canaux, le bâti s’adapte et décline un registre de quais, cales édicules, ponts …. Cette intimité peut se traduire aussi comme à Vibraye ou Montfort-le-Gesnois où l’eau caresse les bords du bâti et constitue une coupure verte qualitative, un premier plan mettant en scène le cœur ancien.
Le jeu de l’eau avec le bâti (jeux de reflets, contrastes de couleurs et de textures) les contraintes des crues dans l’implantation urbaine et son développement, comme sur Vibraye ou le développement a franchi la vallée et semble faire face au bourg historique (cf. chapitre sur les dynamiques paysagères) sont autant d’éléments qui contribuent à la valeur patrimoniale non seulement de ces bourgs mais aussi de ce paysage.
La ville de la Ferté-Bernard connait un développement très important qui semble se diffuser sans limite dans la vallée de l’Huisne et remonter sur les coteaux. Si son développement constitue un des caractères identitaires de l’unité paysagère, au même titre que la pression mancelle à l’ouest de la vallée, ces éléments sont développés dans la partie dynamique.
Des bourgs patrimoniaux marqués par la richesse et la qualité du bâti
Cette valeur patrimoniale est confortée par la qualité du bâti ancien, l’homogénéité de la palette chromatique et texturale de l’architecture qui révèle, comme dans le bâti rural, les tonalités chaudes des matériaux locaux. L’architecture de ces bourgs est riche : châteaux, églises, forteresse et murs d’enceinte, maisons de bourgs … et propose un cadre ancien de grande qualité paysagère.
L’adaptation du parc immobilier des secteurs patrimoniaux aux modes de vie actuels sans les dénaturer n’est pas toujours évidente. Ces bourgs se sont développés et égrainent extensions, zones d’activés … (cf. chapitre sur les dynamiques paysagères)
Un paysage d’alternance, aux effets de mise en scène
Sur l’ensemble de l’unité, les jeux du relief sont notables et marqués, des plateaux nord entaillés de vallées, aux confins des vallons qui interrompent la cuesta, de la vallée de l’Huisne aux coteaux marqués à l’ouest à celle de la Braye qui ondule entre les buttes boisées. Ce relief induit de fait des jeux de creux et de points hauts, des vues courtes et des vues dégagées. La disparition d’une partie du bocage induit l’élargissement de la maille et conforte les jeux visuels instaurés par le relief. Une alternance s’instaure entre :
- paysages fermés aux vues courtes, des creux de vallons fermés par les coteaux proches et hauts, des coeurs de bois et forêts, et du fond de vallée encore bocager de l’Huisne. Ces ambiances s’accompagnent d’un ressenti d’échelle humaine voire parfois intime, dans un cocon
- paysages ouverts animés de vues longues, dégagées, parfois même panoramiques, de jeux de covisibilités renforcées par les jeux du relief. Ces vues et covisibilités mettent en scène une multitude de points d’appel et d’animation qui révèlent la qualité patrimoniale et végétale de l’unité : le bâti rural, les bois sur les hauteurs, les bourgs, les haies, les arbres marqueurs, la ripisylve, … mais aussi les éléments discordants comme les infrastructures, les extensions urbaines, les zones d’activités (cf. chapitre sur les dynamiques paysagères)
Cette alternance constitue une constance dans cette unité, le rythme de cette alternance varie en revanche en fonction des parcours, alternance espacée et lente pour une appréhension dans l’axe des grandes lignes fortes du paysage ou alternance rapide et successive pour un parcours perpendiculaire ou oblique par rapport à ces lignes.
Des infrastructures majeures impactant le paysage
La vallée de l’Huisne est en elle-même un axe de desserte historique, économique et touristique. Elle accueille de fait un réseau dense d’infrastructures parfois tellement dense qu’il en fait oublier la rivière :
- Le réseau ferré dans l’axe de la vallée ainsi que le réseau électrique
- Des implantations industrielles dans la vallée, sur le coteau qui sont devenus des caractères identitaires de l’Huisne
- Les départementales et l’autoroute A 11 qui décline un registre de zones d’activités notamment aux abords des échangeurs
Si ces infrastructures constituent des caractères identitaires de l’unité paysagère, elles sont développées dans la partie dynamique.
Pour aller plus loin sur le patrimoine culturel et naturel
Patrimoine culturel :
- Consulter l’article Les paysages institutionnalisés
- Consulter la rubrique "Sites et paysages" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Consulter l’Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture
- Consulter les Bases Architecture et Patrimoine du Ministère de la Culture
Patrimoine naturel :
- Consulter la rubrique "Patrimoine naturel" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Trame verte et bleue : consulter le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) des Pays de la Loire
Sources bibliographiques
- Notice de la carte géologique N° 0324N – Authon du Perche (2004) & N° 0323N – La Ferté Bernard – 1/50000ème. 1987.
- CERESA. Atlas des paysages de la Sarthe. Conseil Général de la Sarthe, DDE de la Sarthe, DIREN Pays de la Loire, 2005.
- CAUE 72. Architectures rurales en Sarthe – Perche. 1991.