Dessiner le bocage de demain en tenant compte des pratiques agricoles contemporaines

publié le 18 avril 2016 (modifié le 17 juin 2016)

Partager la connaissance des différents usages économiques, écologiques et paysagers des haies avec les acteurs concernés

Le maillage de haies complètes (strate herbacée, arbustive et arborée), une composante multi-fonctionnelle qui caractérise les paysages de bocage
Le maillage de haies complètes (strate herbacée, arbustive et arborée), une composante multi-fonctionnelle qui caractérise les paysages de bocage


La haie n’a de sens dans le paysage rural que si elle a du sens dans l’économie agricole. Si les différentes fonctions des haies sont aujourd’hui connues (rôle de clôture, régulation climatique et hydraulique, production de bois, accompagnement des chemins, rôle écologique, rôle paysager), les replantations de haies ne répondent souvent que très partiellement à toutes ces logiques.
L’enjeu des réflexions actuelles en matière de paysage est bien d’envisager les haies à partir des modes d’exploitation ou dans la gestion des ressources (sol/eau/climat/énergie). C’est la prise en compte de ces fonctionnalités qui va permettre de redessiner le paysage en réinterprétant le modèle du triptyque bocage / prairies /mares – zones humides. Cela peut se traduire par une revalorisation du maillage bocager à l’appui de l’eau et des zones humides dans le cadre des documents de planification qui doivent traduire la notion de trame verte et bleue.

Travailler la complémentarité entre linéaire de haies, chemins creux et le patrimoine associé

Les chemins creux engendrés par le réseau bocager constituent des supports privilégiés de découverte des paysages et du petit patrimoine qui y est associé : chemins creux, murets de pierre sèche, fossés et talus, calvaires et lavoirs…. Liens privilégiés entre les espaces ruraux et le tissu villageois ou urbain, il y a un réel enjeu à assurer la complémentarité entre les linéaires de bocage, les chemins creux et la découverte du patrimoine associé, afin de s’inscrire dans une valorisation et une pratique « douce » des paysages du quotidien.

Chemin creux entretenu en direction du plan d'eau de Saint-Père-en-Retz (44)
Chemin creux entretenu en direction du plan d’eau de Saint-Père-en-Retz (44)


Recomposer le bocage à une échelle compatible avec l’activité agricole et l’occupation du sol

Trame bocagère préservée et recomposée dans le cadre d'un contrat de paysage rural à Pouzauges (85)
Trame bocagère préservée et recomposée dans le cadre d’un contrat de paysage rural à Pouzauges (85)


Les différentes tables rondes menées à l’échelle régionale ont montré une tendance forte à mieux anticiper les évolutions de ces pratiques agricoles en ayant des approches plus transversales et à une autre échelle que celle de l’unité de production (comme les contrats de paysage rural en Vendée). L’enjeu dans ces paysages de bocage est donc de travailler avec une approche paysage à une échelle plus large de territoire (perception du paysage dépassant l’échelle de l’exploitation agricole pour mieux prendre du recul par rapport à la composition du paysage). Cela permet d’établir une stratégie de recomposition bocagère sur du plus long terme en intégrant les différentes fonctions de la haie et notamment paysagère.

Cela peut être mis en place au travers de Plans de Paysage ou de chartes de paysage. Par sa méthode réunissant les acteurs du territoire autour de la question de l’avenir des paysages, ces outils peuvent permettre de mener des réflexions paysagères en accompagnement des mutations nouvelles de l’agriculture. En région Pays de la Loire, les exemples les plus récents de telles démarches sont la charte architecturale et paysagère du Pays Vallée du Loir (http://www.pays-valleeduloir.fr/index.php/environnement/charte-architecturale) et la charte de paysages de Haute Mayenne (http://www.paysagesdehautemayenne.fr/).

Au regard des dynamiques paysagères liées aux fortes évolutions des pratiques agricoles, il y a un véritable enjeu de travailler sur les nouveaux modèles économiques de productions agricoles et horticoles tels que l’agroforesterie, la permaculture, l’agriculture biologique, les petites exploitations pour des filières courtes de distribution ou la concentration des exploitations. Par ailleurs, il y a des mesures promues actuellement comme l’adaptation des pratiques actuelles (moins de pesticides, des bandes enherbés, des plantations…) qui sont portées et peuvent faire évoluer le bocage. L’enjeu de la recomposition d’un paysage bocager contemporain réside dans la capacité à redessiner de manière concertée les mailles bocagères en relation avec leurs fonctions agricoles et économiques.

Intégrer les bâtiments d’exploitation

Exemple de bâtiment agricole contemporain (à gauche) avec une réflexion d'intégration paysagère à Saint-Pierre-des-Nids (53)
Exemple de bâtiment agricole contemporain (à gauche) avec une réflexion d’intégration paysagère à Saint-Pierre-des-Nids (53)


Les paysages se sont ouverts et révèlent d’autant plus le bâti agricole des exploitations qui a par ailleurs évolué en s’inspirant fortement de l’architecture industrielle (tant dans les matériaux que dans la volumétrie).

L’enjeu est donc de concevoir des bâtiments agricoles qui trouvent une place cohérente dans le paysage dans lequel ils s’inscrivent. Cela passe par une réflexion non seulement sur leur volumétrie et leur couleur de revêtement mais aussi et surtout sur le choix de leur implantation, leur intégration dans la pente, leur insertion dans la trame bocagère existante ou les trames végétales recréées. Des exemples intéressants existent aujourd’hui dans région notamment en relation avec les politiques de sensibilisation pour l’amélioration des bâtiments agricoles relayées par les CAUE.

Extrait de la plaquette de sensibilisation « bâti agricole et paysage » du CAUE 44
Extrait de la plaquette de sensibilisation « bâti agricole et paysage » du CAUE 44


Utiliser la maille bocagère pour travailler la perception des franges urbaines et de l’habitat diffus

Le maintien des structures bocagères comme élément de perception qualitative des franges de bourg (Savigné-l'Evêque – 72)
Le maintien des structures bocagères comme élément de perception qualitative des franges de bourg (Savigné-l’Evêque – 72)


Compte tenu de l’altération de la trame bocagère il y a également un enjeu fort sur la qualité des franges urbaines et sur la perception des extensions de bourgs depuis la campagne environnante. La représentation culturelle emprunte de ruralité du petit village au cœur de son bocage est aujourd’hui très fortement menacée. Il s’agit avant tout d’envisager comment cette limite ou cette transition entre ville et campagne se définit dans le paysage. Cela impose d’envisager comment la structure du paysage de bocage peut persister face aux dynamiques urbaines, notamment au travers des documents de planification, et quels sont les modèles agricoles et/ou urbains qui peuvent le maintenir.

S’appuyer sur les trames bocagères existantes notamment dans les vallées et aux abords des bourgs en régénérant les haies, préservant les grands sujets et le petit parcellaire

Trame bocagère dense préservée à l'appui du vallon de Montrevault (49)
Trame bocagère dense préservée à l’appui du vallon de Montrevault (49)


Même dans les paysages bocagers plus ouverts, il existe des trames bocagères résiduelles (notamment dans les vallées) sur lesquelles on peut s’appuyer pour recomposer de nouvelles trames. L’enjeu sur ces secteurs préservés est véritablement de faire évoluer la gestion du bocage pour limiter le vieillissement des haies qui va de fait changer la perception du paysage.
Par ailleurs, il y a une attention particulière à porter sur la coordination des filières bois qui risquent de surexploiter le bocage et les boisements (et faire disparaître des haies ou des boisements dans le paysage). Au lieu de la protection réglementaire il s’agit notamment de privilégier la gestion qui permettrait de mieux assurer la durabilité des espaces ruraux.