Un développement urbain différencié dans les paysages

publié le 18 avril 2016

Une tendance nationale qui s’exprime plus fortement sur la région

L’attrait des Pays de la Loire est indéniable. Dans la moitié nord de la France, la région possède la dynamique démographique la plus élevée. L’accueil de nouveaux habitants est un enjeu important du territoire et participe pleinement à l’évolution des paysages.
Les modes d’habiter n’étant plus les mêmes, l’incidence sur les paysages a également évolué. Les cœurs des grandes agglomérations (Nantes, Angers, Le Mans, Laval) mais également les territoires urbains secondaires(Cholet, Saumur, La Flèche…) se dévitalisent au profit d’un périurbain qui a de plus en plus tendance à s’étaler.

Ce phénomène qui n’est pas propre aux Pays de la Loire est ici amplifié dans ses incidences paysagères en raison du contexte régional :

  • un mitage prononcé prenant appui sur les structures traditionnelles d’habitat dispersé.
  • Une surreprésentation d’un habitat individuel consommateur d’espace.
Un mitage urbain pavillonnaire contemporain, à l'appui de l'ancien habitat dispersé (Saint-Mars-la-Jaille – 44)
Un mitage urbain pavillonnaire contemporain, à l’appui de l’ancien habitat dispersé (Saint-Mars-la-Jaille – 44)


De par ces caractéristiques, les paysages régionaux connaissent, avec une intensité marquée, les mêmes dynamiques urbaines que l’ensemble des régions françaises :

  • Artificialisation rapide, plus forte que la moyenne nationale : 10 500 ha par an de sols artificialisés entre 2006 et 2008. Les deux tiers pour l’habitat et ses surfaces associées ; le tiers restant pour les réseaux, les activités économiques, les espaces liés aux sports et aux loisirs.
  • Rurbanisation accélérée avec l’espace rural qui accueille 37% des nouveaux habitants (mais seulement 19% des nouveaux emplois).
  • Décohabitation prononcée qui agit comme un effet démultiplicateur de la consommation d’espace : pour une hausse annuelle moyenne de 1% de la population (1999-2006), la croissance du parc de logements a été de 1,4%. Ce ne sont que des moyennes : les valeurs sont bien entendu plus élevées dans les espaces périurbains et sur certains secteurs géographiques qui se distinguent : le littoral et les départements de la Vendée et de la Loire-Atlantique.
Maison individuelle non mitoyenne, caractéristique d'une artificialisation associée au modèle périurbain (Le Lion d'Angers au nord de l'agglomération angevine)
Maison individuelle non mitoyenne, caractéristique d’une artificialisation associée au modèle périurbain (Le Lion d’Angers au nord de l’agglomération angevine)


A l’échelle régionale, il y a une grande disparité territoriale en matière de pression constructive et d’une manière globale, l’intensité se fait davantage ressentir à l’ouest de la région.

L’attrait du littoral mais aussi les contraintes foncières associées engendrent des paysages littoraux et rétro-littoraux soumis à une pression urbaine forte sur tout le long de la façade atlantique. Le cumul des caractéristiques « agglomération nantaise », « grandes infrastructures » et « proximité du littoral » confère une pression urbaine soutenue sur une large partie des paysages de la Loire-Atlantique et de la Vendée, allant jusqu’à Ancenis et Cholet à l’est. La pression urbaine s’illustre également dans les paysages situés aux abords des autres grandes infrastructures et notamment l’A11, l’A85 et la périphérie de Laval. Les autres paysages régionaux connaissent une pression urbaine plus faible qui se traduit par une urbanisation plus diffuse.

Certain paysages subissent également un report de la pression urbaine des secteurs ayant des contraintes environnementales ou règlementaires fortes (secteurs de marais notamment).

Les grandes agglomérations, la façade littorale, la partie ouest du territoire et les grandes infrastructures sont les secteurs qui connaissent la plus forte intensité constructive. (Source : DREAL, SIGLOIRE)
Les grandes agglomérations, la façade littorale, la partie ouest du territoire et les grandes infrastructures sont les secteurs qui connaissent la plus forte intensité constructive. (Source : DREAL, SIGLOIRE)


Classification des bassins de vie face à l’étalement urbain

L’INSEE, dans son dossier « En Pays de la Loire, la ville déborde de plus en plus sur la campagne » (2010), réalise une classification des bassins de vie de la région au regard de leurs caractéristiques en matière de croissance de population, d’attractivité et de rythme de construction, croisées avec d’autres données comme le coût du foncier ou les déplacements domicile-travail. Les paragraphes descriptifs de cette classification font la synthèse de cette étude et sont complétés de commentaires sur les paysages.

Classification des bassins de vie face à l'étalement urbain. (source : INSEE 2010)
Classification des bassins de vie face à l’étalement urbain. (source : INSEE 2010)


Cette classification en six familles (Les agglomérations à la peine, Le périurbain cossu, Au sommet de la vague, Le rural qui s’éveille, Les pôles excentrés et Le littoral) souligne à la fois la présence de dynamiques variées à l’échelle régionale mais aussi des similitudes entres les phénomènes obervés vis-à-vis des grandes agglomérations. « On met ainsi en évidence un phénomène d’éloignement progressif des villes-centres : les ménages recherchent du foncier plus accessible, quitte à rallonger les trajets vers le lieu de travail. Mais ce mouvement n’a pas la même intensité en Mayenne qu’en Loire-Atlantique ou en Vendée, particulièrement attractives. »

Les agglomérations à la peine : Les principales agglomérations que sont Nantes, Angers, Le Mans, Laval, La Roche-sur-Yon et Saint-Nazaire sont classées dans la même catégorie (incluant les bassins de vie voisins pour Nantes, Angers et Saint-Nazaire) et observent les mêmes phénomènes : un dynamisme démographique et constructif qui stagne, couplé à un cout du foncier très élevé. Toutefois, même si le rythme de construction et la taille des terrains et des nouveaux logements est faible (371m² contre 1055m² à l’échelle régionale), l’artificialisation des sols demeure élevée comparativement à la superficie de ces territoires. Le bassin de vie de l’île d’Yeu est également classé dans cette catégorie mais n’est pas directement comparable de par sa situation insulaire spécifique.

Ces paysages urbains sont aujourd’hui le support de renouvellement importants qui contribuent à changer la physionomie de certains quartiers mais surtout sur d’anciennes friches industrielles (liées biens souvent au départ ou au déplacement des activités à la périphérie). Ce sont également les moteurs de la pression urbaine des zones périphériques qui accueillent de fait les populations qui n’ont pas forcément les moyens d’investir dans ces centre urbains. Cela se traduit à travers des dynamiques différentiées qui s’imposent aux paysages à proximité des pôles principaux ou secondaires (phénomène de péri-urbanisation).

Une minéralité et une densité toujours affirmées des agglomérations (Rezé)
Une minéralité et une densité toujours affirmées des agglomérations (Rezé)


Le périurbain cossu : Situés en continuité des agglomérations nantaise, angevine, mancelle et lavaloise, ces secteurs sont le marqueur d’un étalement urbain ancien dont le dynamisme démographique s’est depuis ralenti, notamment en raison d’une augmentation des prix de l’immobilier. Typiquement périurbains, ces bassins de vie accueillent des ménages aux revenus plutôt élevés qui habitent sur des parcelles plus grandes que ce qui est possible en ville et travaillent dans les pôles d’emplois des agglomérations. Ces paysages viennent aujourd’hui souvent dans la continuité des grandes agglomérations.

Ambiance paysagère typique du périurbain cossu (Avrillé)
Ambiance paysagère typique du périurbain cossu (Avrillé)


Au sommet de la vague : bassins de vie les plus dynamiques sur la période récente, ils sont composés à la fois de secteurs périubains marqués et de territoires ruraux en transition. Ils marquent une différence entre l’ouest de la région où ils sont très largement représentés et l’est où ils sont absents, hormis sur la périphérie lavaloise et deux petits bassins de vie en périphérie angevine et mancelle. A l’ouest, ces secteurs correspondent à la fois à la proximité, relative, des pôles urbains de Nantes, Saint-Nazaire et La Roche-sur-Yon mais aussi aux secteurs rétro-littoraux. Ce sont majoritairement des territoires dont les habitants s’éloignent des pôles d’emploi pour rechercher des terrains aux prix plus abordables. La dynamique constructive est importante et essentiellement réalisée sous la forme de maisons individuelles. La consommation foncière associée et l’impact sur les paysage se font donc fortement ressentir.

Associées à la métropole nantaise mais aussi aux autres agglomérations de Loire-Atlantique et au nord de la Vendée ainsi qu’en périphérie lavalloise, ces pressions urbaines soutenues et diffuses se traduisent dans le paysage par des bourgs ruraux enchâssés dans une importante couronne pavillonnaire.

Extensions urbaines de Moutigné le Brillant liées à la pression lavalloise
Extensions urbaines de Moutigné le Brillant liées à la pression lavalloise


Le rural qui s’éveille : Secteurs de transition entre le périurbain et le rural affirmé, ces bassins de vie connaissent des phénomènes démographiques beaucoup moins forts que la catégorie précédente mais avec des caractéristiques communes : croissance démographique essentiellement liée à un éloignement des actifs pour trouver des terrains beaucoup plus abordables. Ils sont essentiellement situés en périphérie du périurbain cossu des agglomérations d’Angers et du Mans mais aussi sur la partie est des agglomérations de Nantes et La Roche sur Yon.

Si les secteurs les plus proches des agglomérations connaissent une pression de développement résidenticel depuis plusieurs dizaines d’années (« le périurbain cossu »), désormais le « rural qui s’éveille » voit également une dynamique de paysages ruraux évoluer vers des paysages périurbains. Ce phénomène se localise plus à proximité des grands pôles et des infrastructures majeures.

 Frange urbaine pavillonnaire à la Suze sur Sarthe, typique du « rural qui s'éveille »
Frange urbaine pavillonnaire à la Suze sur Sarthe, typique du « rural qui s’éveille »


Le littoral : rassemblant la majorité des bassins de vie de la côte atlantique, les spécificités de ces secteurs ne sont pas induites par la proximité ou l’éloignement aux pôles urbains mais par l’attrait du littoral. Ce territoire connait un dynamisme très important couplé à un coût du foncier très élevé. Il se caractérise également par une économie touristique forte impliquant à la fois des résidences secondaires et une activité saisonnière spécifique. Cela se traduit dans le paysage par un étalement pavillonnaire important sur les zones littorales et rétro-littorales ainsi qu’une densification des façades littorales des centres urbains (La Baule, Saint Jean de Mont, Les Sables d’Olonne…)

Ambiance caractéristique du littoral urbanisé à la Pointe de Beaulieu (Mesquer)
Ambiance caractéristique du littoral urbanisé à la Pointe de Beaulieu (Mesquer)


Les paysages et le contexte de l’estuaire sont caractéristiques d’une interface entre des dynamiques littorales, de pression urbaine soutenue liée à l’agglomération nantaise et d’infrastructures situées à proximité en relation avec l’activité portuaire. Ainsi, les dynamiques paysagères voient se maintenir un développement urbain alternant paysages naturels, résidentiels et industriels.

Les pôles excentrés : représentant des secteurs ruraux et des petits pôles éloignés des agglomérations, ils se localisent essentiellement sur les marges des départements de la Mayenne, de la Sarthe et du Maine-et-Loire. Ces bassins de vie connaissent une population stagnante et n’ont jamais connu de dynamisme démographique particulier. Leur éloignement des grands bassins d’emploi leur procure une relative autonomie avec environ autant d’actifs que d’emplois. Les prix du foncier sont les plus faibles et si la constructibilité est également très limitée, la taille moyenne des terrains est en revanche très élevée.

Moins concernés par les phénomènes de pression urbaine décrits précédemment, les autres paysages sont davantage le support d’un développement urbain diffu.

Extension urbaine distendue typique des pôles excentrés (Javron-les-Chapelles)
Extension urbaine distendue typique des pôles excentrés (Javron-les-Chapelles)


Des secteurs de reports de pression urbaine : à l’instar du développement littoral, les coteaux ligériens connaissent des dynamiques paysagères qui voient s’accentuer l’urbain de manière linéaire (en dehors des zones protégées et inondables du fond de vallée mais bénéficiant du panorama ligérien). De même les grands secteurs de protection patrimoniale, les périmètres de protection agricole ou les zones inondables inconstructibles génèrent des reports de pression urbaine en périphérie (cela contribue souvent à accentuer le contraste entre ces paysages moins construits et leurs franges qui se péri-urbanisent).

L'horizon du coteau ligérien marqué par l'étalement urbain pavillonnaire (Oudon)
L’horizon du coteau ligérien marqué par l’étalement urbain pavillonnaire (Oudon)


Les différentes classes identifiées se calquent particulièrement sur les phénomènes de pression urbaine évoqués dans la carte schématique des dynamiques paysagères de cette partie. Ainsi l’observation de dynamiques paysagères relatives à l’habitat, différentiées à l’échelle régionale, s’explique particulièrement par des phénomènes et des intensités d’étalement urbain eux-même différentiés.