Les caractères du bocage du Haut-Anjou
Un plateau au relief étiré
Un socle géologique homogène
Le bocage du Haut-Anjou se situe sur des formations géologiques datant du briovérien. Ces formations s’organisent sur un anticlinal entre deux formations datant du paléozoïque : la bordure méridionale du Bassin de Laval au nord-est et au sud-ouest le synclinal de Châteauneuf-sur-Sarthe, (terminaison angevine du pli de Martigné-Ferchaud (35)). C’est cette entité géologique simple du Briovérien, sans accident majeur qui induit un relief lui aussi homogène.
Les traits les plus marquants de la morphologie du relief sont attribuables aux assises paléozoïques, et en particulier aux grès ordoviciens qui dressent des crêtes de type appalachien (un relief appalachien se caractérise par des crêtes parallèles en roches dures, entre lesquelles se trouvent des dépressions en roches tendres). C’est notamment le cas sur le flanc sud du bassin de Sablé avec les points culminants entre 100 et 110 m vers Grez-en-Bouère et Bouère.
La formation des calcaires de Bouère en frange du synclinorium de Laval trouve une traduction dans la présence d’un ancien four à chaux de Grez-en-Bouère et aussi dans la tradition ancienne de la marbrerie avec sciage de blocs sur l’affleurement (exploitation jusqu’aux environs de 1965).
Un relief étiré, impression d’horizontalité renforcée par le large parcellaire
Le relief sur cette unité paysagère est constitué d’ondulations très amples, « en tôle ondulée », caractéristiques des paysages formés sur des schistes anciens. Les altitudes s’échelonnent de 40 à 120 m, sans coteaux abruptes ni transitions marquées. En effet, entre Craon et Château-Gontier, les dépôts sédimentaires sont venus gommer les derniers sursauts du relief accentuant encore l’impression de « plaine ». Les inter-distances entre les nombreux vallons conditionnent la perception du relief qui peut tendre parfois vers une impression de successions de collines à pentes modérées. Ces ondulations très douces sont parfois même difficilement identifiables et induisent une impression d’horizontalité de ce plateau agricole, renforcée par le parcellaire de plus en plus large.
Un réseau hydrographique important qui « entaille » le plateau Le réseau hydrographique s’organise autour de la Mayenne et de l’Oudon (principal affluent de la Mayenne) et de leurs multiples petits affluents. Si les vallées principales des deux rivières sont orientées nord-sud, le réseau des petits vallons adjacents irrigue l’ensemble du plateau. Les vallées sont dans l’ensemble peu profondes (une dizaine de mètres) et interrompent le plateau de façon nette et lisible. Les vallées se devinent grâce à la ripisylve qui les dessine, et qui induit un contraste par rapport à la végétation peu dense du plateau.
La vallée de la Mayenne est en revanche plus encaissée, entaillant le plateau d’une cinquantaine de mètres. Etroite dans la traversée de cette unité, elle induit à ses abords des ondulations plus accentuées du relief.
Un paysage agricole de grandes cultures ponctué de boisements
Une maille bocagère distendue
Le paysage de cette unité diffère légèrement des paysages bocagers du département de la Mayenne, moins dense et plus ouvert. On y retrouve cependant les mêmes essences : chêne pédonculé, frêne, merisier, orme, aubépine, prunellier, noisetier, fusain d’Europe, sureau, cornouiller sanguin. Les haies basses ont majoritairement disparues. Les haies sont souvent hautes, mais discontinues voire même parfois réduites à un alignement de futaies de chênes, la strate arbustive ayant été supprimée.
Le bocage reste cependant bien présent et identifiable dans le paysage :
- Jeux d’écrans augmentant la profondeur visuelle
- Filtre végétal aux abords des extensions de bourgs, de certaines constructions agricoles…
- Lecture facilité par les petits jeux de relief, sur les lignes de crêtes…
Le réseau de haies est généralement plus important en continuité des vallons qu’au cœur du plateau. Ce relief peu mouvementé a favorisé le développement d’un parcellaire agricole large qui est favorable aujourd’hui à la culture céréalière. Les champs de céréales donnent donc la couleur principale au paysage qui varie fortement avec les saisons.
L’ambiance est verte et fraîche au printemps et chaude et lumineuse en été. En hiver, l’importance des espaces labourés renforce au contraire l’aspect sombre et monotone des plateaux agricoles. La tradition du tissage reste perceptible avec parfois quelques champs bleus illuminant le paysage.
Pour en savoir plus sur les paysages de bocage
Une ponctuation et animation de quelques bois
Les boisements sont relativement peu nombreux, et ponctuent le plateau et prennent souvent appui sur les rebords de vallons ou le long de la vallée de la Mayenne. Depuis l’extérieur, ces bois s’apparentent à des écrans visuels induisant des phénomènes d’épaulement, fermant l’horizon quand il est dégagé et orientant les vues. La force et l’impact de ses lisières sont d’autant plus marquants que le boisement est conséquent, et que le paysage est ouvert.
Principalement feuillus, ces bois proposent des ambiances sombres et fraîches en été, lumineuses et graphiques en hiver, une forte opacité de la lisière, mais une transparence à l’intérieur de la forêt.
Un paysage ouvert aux nombreuses covisibilités
La diminution des linéaires de haies et de la strate arbustive des haies restantes, associées à un relief dans l’ensemble plan, induit une grande ouverture du paysage qui offre ainsi des vues lointaines et écrasées. Le caractère ouvert de ce paysage constitue indéniablement une identité forte. Le regard est porté par les cultures et attiré ici par une ferme, là par un village en ligne de crête, là encore par des alignements le long des voies de desserte, ici enfin par la silhouette d’une abbaye, un château au cœur de son parc et les boisements… La multitude des points d’appel dans ce paysage ouvert participe à l’identité de ce territoire.
Le bâti comme repère dans ce paysage ouvert
Pour en savoir plus sur le bâti rural Sud Mayenne
Nombre des fermes traditionnelles ont été détournées de leur usage originel et sont restaurées et habitées, permettant ainsi une préservation de ce patrimoine vernaculaire, notamment à proximité de l’agglomération lavalloise.
Les fermes en activité aujourd’hui sont entourées de nouveaux bâtiments aux volumes encore plus imposants et qui tranchent souvent dans leur implantation, leurs couleurs (bardages clairs) et textures (métalliques). L’élevage hors-sol est particulièrement présent dans le Haut-Anjou, développant des bâtiments peu haut mais très long, dont la perception varie en fonction de leur implantation et de la densité de la trame bocagère aux abords du bâtiment.
Le développement des grandes cultures s’accompagne aussi du développement de structures et de bâtis adaptés à leur traitement (silos par exemple). Par ailleurs, la mise en culture céréalière et fourragère plus importante sur les plateaux s’accompagne de la nécessité de créer des ouvrages de retenue d’eau collinaire pour répondre aux besoins d’arrosage. Les étangs, le plus souvent privés, sont par ailleurs support de loisirs.
Les vergers traditionnels qui accompagnaient les fermes ont aujourd’hui presque disparu et ne sont plus qu’anecdotiques, quelques parcelles d’arboriculture fruitière ponctuent les paysages sous influence angevine.
Une architecture sous influence angevine
Le bâti traditionnel se caractérise principalement par du grès, du schiste et de l’ardoise en toitures mais l’influence angevine apporte du tuffeau en chainage d’angle et encadrements d’ouvertures, des « croupes » sur les toitures, des enduits crèmes.
Les matériaux de construction utilisés traditionnellement sont divers (source Etat initial de l’Environnement du SCoT du Pays de Craon) :
- Le schiste ardoisier : c’est le matériau le plus utilisé ; pour la maçonnerie, mais également pour la couverture des toits (dès le XIXème siècle)
- le grès : il est couramment utilisé
- la craie tuffeau : les vallées sont des axes de pénétration de ce matériau de l’Anjou (Craon, la Sarthe en limite est), qui sert un peu partout en encadrement d’ouvertures
- la terre : utilisée de part et d’autre de l’axe Cossé-le-Vivien – Château-Gontier, elle repose le plus souvent sur des soubassements en pierre (Simplé)
- la brique : elle est couramment utilisée à partir du XIXème siècle pour les encadrements d’ouvertures (linteaux et jambages) - le bois : le colombage utilise le bois pour l’ossature des bâtiments, les vides sont comblés par un mélange de terre mélangé à du foin ou de la paille ; c’est une technique utilisée depuis le Moyen-âge, mais qui est poursuivie sur certains bâtiments agricoles jusqu’au XIXème siècle
- les enduits : c’est une grande tradition en Mayenne, ils sont réalisés à base de chaux grasse et de sable alluvionnaire ; ils étaient naturellement colorés, à différentes nuances suivant le sable ; ils étaient destinés à recouvrir les maçonneries (et en aucun cas la pierre de taille), les maisons d’exploitation n’étaient généralement pas enduites
- les menuiseries peintes : au XVIIIème siècle, les teintes claires et pastels sont très utilisées (rose, vert, bleu et ocre) ; au XIXème, le gris Trianon est préféré ; les portes étaient souvent peintes d’une couleur soutenue (bleu, vert, rouge)
On peut souligner que cette diversité est une richesse architecturale, qui anime les bourgs de différentes couleurs. Elle permet une grande liberté dans le choix des matériaux de construction, tout en respectant l’harmonie construite au fil des décennies.
Un riche patrimoine lié à l’eau
Sur la Mayenne et dans une moindre mesure sur l’Oudon et les autres affluents, un patrimoine lié à l’eau anime les paysages de vallées et raconte l’histoire de ce territoire : moulins à eau, lavoirs, ponts, fontaines, plans d’eau, écluses et barrages, chemin de halage …
Des châteaux et un patrimoine religieux qui ponctuent la campagne
Au sein de leurs parcs arborés, manoirs et demeures, châteaux souvent privés, des moulins à vents, s’exposent et animent la campagne ouverte. Le patrimoine religieux est très présent sur le territoire, avec des chapelles et des oratoires (majoritairement privés), ainsi qu’avec de nombreuses églises (essentiellement romanes, parfois gothiques), et l’Abbaye de la Roë au sud-ouest de l’unité. Au XIème siècle, elle fût un foyer de défrichement important au sein de la forêt de Craon, et l’établissement religieux le plus important du territoire mayennais, comptant une soixantaine de prieurés soumis à son autorité en Bretagne, Anjou et Maine.
Des bourgs implantés sur les crêtes
En dehors de Craon implanté dans la vallée de l’Oudon, l’ensemble des bourgs prend place sur les coteaux des vallons et vallées. Même lorsque ceux-ci ne sont pas très prononcés, l’organisation urbaine et l’église en position dominante confèrent à ces bourgs un statut de point d’appel et de repère dans le paysage. Si leur frange est souvent enchevêtrée dans un réseau bocager lisible, les extensions urbaines ont tendance à s’exposer (cf. chapitre sur les dynamiques paysagères).
Des routes rectilignes entre bourgs
Les routes semblent tracées au cordeau, tendues d’un clocher à l’autre à travers l’espace agricole et offrent des perceptions latérales. Ce paysage est fort de sa simplicité, seules les clôtures et les alignements arborés rythment les parcours.
Pour aller plus loin sur le patrimoine culturel et naturel
Patrimoine culturel :
- Consulter l’article Les paysages institutionnalisés
- Consulter la rubrique "Sites et paysages" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Consulter l’Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture
- Consulter les Bases Architecture et Patrimoine du Ministère de la Culture
Patrimoine naturel :
- Consulter la rubrique "Patrimoine naturel" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Trame verte et bleue : consulter le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) des Pays de la Loire
Sources bibliographiques
- CERESA, Atelier TRIGONE. Atlas des paysages de la Mayenne. 4 tomes. DIREN Pays-de-la-Loire, DDE Mayenne, 1999.
- Les Cahiers du Conservatoire. La vallée de la Mayenne, un territoire en projet. Rencontres Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, 2002.
*- Agence SIAM. Schéma de Cohérence territoriale du Pays de Craon. 2013. - Agences SCE et Cibles & stratégies. Schéma de Cohérence territoriale du Pays de Château-Gontier. 2014.
- R. BROSSÉ, B. GUÉRANGÉ, J. GUÉRANGÉ-LOZES, Y. HERROUIN, E. HOULGATTE, G. MOGUEDET et A. PELHÂTE avec la collaboration de H. ETIENNE, J.-M. LUTZLER et Ch. VAUTRELLE. Notice de la carte géologique 0391N de Château-Gontier au 1/50 000ème. 1998.