Les caractères des plaines et coteaux du Saumurois
Un plateau calcaire

Des mers successives pour des calcaires variés
La région saumuroise se situe sur la marge occidentale du Bassin Parisien dont les formations sédimentaires viennent ennoyer au sud-ouest les terrains de nature schisto-gréseuse du socle armoricain. La présence du calcaire trouve son origine dans la succession des invasions marines qui ont déposé successivement des sédiments. À chaque retrait de la mer, les terres étaient soumises à d’intenses phénomènes d’érosion qui duraient jusqu’à la nouvelle immersion. Alors, la sédimentation reprenait et de nouveaux sédiments venaient recouvrir les précédents.
Les anciennes côtes (cuestas) s’identifient et dessinent des lignes parfaitement lisibles dans le paysage, soulignées de masses boisées et/ou de parcelles viticoles. Au sud du plateau saumurois, des buttes épargnées par l’érosion (buttes témoins) témoignent de l’ancienne extension du tuffeau du Turonnien (Crétacé) : butte du Puy-Notre-Dame et les reliefs de Noyant, Ambillou et Antoigné (avec moins d’amplitude).

Des matériaux de construction disponibles sur site
Les principales carrières de tuffeau (pierre de calcaire tendre) étaient réparties, dans l’ensemble du Saumurois, notamment sur le bord du Thouet, à Bagneux, Saint-Cyr, Brezé, Vivy et Saumoussay. Certaines carrières sont exploitées dès le VIIème siècle (carrière des sarcophages de Douces). Au XIXème siècle, plus de 100 carrières étaient en activité et fournissaient, en empruntant la Loire, les grands chantiers de Nantes. Les calcaires exploitables sont :
- Le tuffeau du Turonien, pierre blanche du crétacé, affleurant largement sur le pourtour des plateaux et buttes dont il constitue une assise.
- Le calcaire lacustre du Bartonien qui coiffe le plateau saumurois de Gennes à Saint-Hilaire-Saint-Florent et de Dampierre à Champigny
- Le falun du Miocène, pierre ocre, appelée aussi grison parce qu’elle devient grise en vieillissant, plusieurs gisements épars mais le plus important d’entre eux est celui de Doué-La-Fontaine

Entre Loire et Layon, une organisation en bandes parallèles

Le territoire de cette unité paysagère s’inscrit entre les deux sillons profonds de la Loire au nord et du Layon au sud. Le plateau profondément entaillé par un réseau hydrographique dense (notamment le Thouet et son affluent La Dive), offre un relief complexe et moutonné qui engendre une perception agréable et toujours changeante des paysages. Dans ce contexte, le paysage s’organise en bandes parallèles à la Loire et au Layon :
- La ligne de crête du coteau calcaire escarpé dominant la Loire ;
- Une large bande d’ondulations boisées et de clairières agricoles et/ou viticoles, et parfois urbanisées ;
- Un barreau visuel et physique formé de contreforts calcaires (cuesta) soulignés en ligne de crête par des boisements (notamment en aval de Saumur), couverts par des vignobles sur les pentes (notamment en amont de Saumur et ponctuellement en aval) et, en pied de paroi, par un habitat de caractère et de troglodytes ;
- La plaine céréalière du Douessin constituée de larges ondulations soulignées par les lignes de culture, et ponctuée de bosquets de peupliers ou de quelques arbres isolés ;
- La ligne de crête du coteau viticole du Layon, dont l’effet visuel est renforcé par le jeu de la faille du Layon.

Un patrimoine bâti ancien de caractère
Une palette chromatique identitaire : Toitures d’ardoises, façades de calcaire
L’habitat traditionnel de cette unité joue sur le contraste des couleurs chaudes et dures, sombres et claires… Les ardoises chapeautent les édifices. Le tuffeau et les moellons calcaires blanc-crème, lumineux et clairs, jouent un rôle important dans l’identité de la palette chromatique et texturale. Avec le temps le falun se grise et se ternit. Les pierres de taille sont utilisées sur les édifices majeurs, en encadrement de baies, pour les lucarnes, pour les corniches, souvent sculptées de motifs variés suivant les époques. Les moellons constituent les murs et les murets.

Un habitat troglodyte dense
Le paysage troglodyte de cette unité regroupe plusieurs formes d’habitats aux caractéristiques architecturales bien identifiables. Troglodytes de plaines ou de coteaux se retrouvent alternativement en habitat isolé ou en anciens villages (exemple : Le quartier de la Seignerie au Coudray-Macourd, la rue des Perrières à Doué-La-Fontaine, le village de Rochemenier…). Il offre soit une architecture sobre reflétant une occupation rurale soit au contraire des façades travaillées et ornementées, reflet d’un habitat seigneurial.


Constante dans ce paysage, cet habitat engendre souvent un effet de surprise lié à une découverte tardive. L’extraordinaire densité du troglodytisme de plaine est spécifique à cette région et ne se retrouve nulle part ailleurs en France.

Un habitat rural sous forme de hameaux
L’urbanisation rurale de cette unité paysagère s’appuie sur un habitat groupé sous forme de hameaux. Points de repères et relais visuels dans le paysage, ces hameaux jouent sur un registre de murs et l’imbrication des volumes bâtis en association avec le végétal constituent des ensembles cohérents et homogènes dont on ne perçoit la qualité et la diversité architecturale qu’en les pénétrant.

L’habitat traditionnel du Saumurois a évolué au cours des siècles mais il présente une unité architecturale. Il s’est toujours adapté au système de production traditionnel de céréales et vignes d’où l’importance des volumes nécessaires pour stocker le matériel, héberger les chevaux et conserver la nourriture des animaux (foin, paille…). La maison et les bâtiments forment une cour intérieure fermée par un mur avec un portail d’entrée. L’habitat troglodyte de coteau ou de plaine avec ses annexes construites s’est transformé au XIXème siècle avec la construction :
- de grands volumes d’habitation ;
- de maisons à plusieurs pièces avec façade travaillée (frontons, encadrements…) qui traduisent l’enrichissement progressif du pays (développement entre autre de la viticulture) ;
- sur la maison, présence d’un grenier à céréales et en dessous la cave - Accolée à la maison, le pressoir d’où s’écoulait directement le vin vers la cave ;
- les annexes et les stockages sont soit des bâtiments indépendants soit, dans la majorité des cas, aménagés dans d’anciennes caves d’extraction du tuffeau. (Au XIXème, il existait plus de 100 caves d’extraction de tuffeau. Aujourd’hui, une seule cave reste en activité. Elles ont ainsi été progressivement reconverties).

De nouveaux bâtiments étendent ces hameaux traditionnels et font souvent l’objet d’un accompagnement paysager.

Diversité des points d’appels architecturaux
Les moulins (moulins tour, cavier ou chandelier… plus ou moins bien conservés) ponctuent et animent la silhouette des hameaux. Les manoirs et parcs, propriétés viticoles témoignent de la richesse de ce territoire et ponctuent le paysage constituant des points de repères. Les silos agricoles dominent la plaine par leur volume et jouent aussi le rôle de points de repère.

Des bourgs et villages de caractère
Les bourgs tirent leur caractère de leur qualité architecturale et de leur patrimoine.

Ils ponctuent et animent les vues longues et dégagées, tant à l’échelle de la plaine, que des clairières boisées ou des coteaux viticoles. Ils sont généralement repérés par le clocher en point d’appel ou un château et accompagnés d’une végétation de parcs ou de jardins. L’implantation des bourgs souvent en position légèrement dominante, s’adapte au contexte topographique et propose de fait des silhouettes urbaines diversifiées :
- Bourgs de plaine dont la silhouette est assimilable à une ligne
- Bourgs-rues le long des axes structurants, à l’urbanisation étirée, l’axe du fait de son ampleur faisant fracture au coeur du bourg
- Bourgs étagés sur les ondulations et les buttes, en appui parfois sur les lisières boisées des clairières, pour lesquels l’urbanisation s’étage sur les pentes rendant parfois l’intégration des extensions récentes plus difficiles (ex : Montreuil-Bellay, Vaudelnay).


La qualité du premier plan joue un rôle indéniable dans la perception des bourgs. Leur mise en scène est facilité par un paysage agricole entretenu et dynamique, une interface entre espace rural et espace urbain lisible et composée.

L’unité des plaines et coteaux du Saumurois accueille toutes les échelles urbaines, de l’agglomération saumuroise, aux petites villes et bourgs (Doué-La-Fontaine, Montreuil-Bellay, Les Alleuds, Ambillou-Château …) aux petits villages à la structure urbaine de hameau (Coutures, Saint-Georges-des-Sept-Voies).

Si ces bourgs et villages participent aux caractères du paysage, l’impact de leur développement est aujourd’hui tout aussi marquant (cf. chapitre des dynamiques paysagères).
Un terroir aux multiples facettes : un paysage de contraste
Des bois et forêts sur le plateau nord
Le couvert végétal du plateau nord est majeur et s’il souligne les crêtes du coteau de Loire et du revers de cuesta, il dessine aussi de nombreuses clairières agricoles et habitées de taille variable. Les massifs forestiers, majoritairement feuillus (chêne pubescent, orme, chêne sessile …) présentent une échelle intime, un paysage fermé, caractérisé par des vues courtes.
Seules les voies de communication ouvrent des perspectives dans ce paysage sans repère majeur.

L’entrée et la sortie des bois et forêts constituent des évènements marquants : effet de surprise, alternance et contraste entre fermetures et ouvertures, ombre et lumière, présence rélictuelle de landes. L’effet de surprise est encore plus marquant au niveau de la limite nord avec des percées visuelles sur le Val d’Anjou. Les bois et forêts gomment visuellement les reliefs pourtant présents liés à une très grande densité de cours d’eau.

Des vallons soulignés par une forte densité végétale
Les reliefs des vallons (Aubance, Thouet, Dive, ruisseaux de la Fontaine Bournée et du Doué …) sont plus ou moins marqués, mais la perception des cours d’eau est toujours soulignée par la présence d’une forte densité végétale qui s’organise en trois strates :
- la ripisylve ondulante soulignant les rivières et cours d’eau, composée d’aulnes, de saules, peupliers noirs et trembles, frênes …
- le réseau de haies bocagères qui cloisonnent le paysage, et créent un évènement dans ce paysage majoritairement ouvert (jeu d’ouverture et de fermeture du paysage)
- le développement de peupleraies

Si le maillage bocager et la populiculture constituent des caractères de l’unité, l’évolution du maillage est précisée dans le chapitre sur les dynamiques paysagères.
Une agriculture diversifiée
L’unité paysagère se caractérise par :
- La prédominance des grandes cultures dans la plaine, induisant un paysage ouvert, caractérisé par de grandes covisibilités et un effet de mise en scène

- L’importance de l’horticulture, le développement du maraîchage (melon par exemple) et les rosiéristes (réputés mais visuellement assez discrets, premier bassin français du rosier avec de l’ordre de 75 producteurs, 8 millions de rosiers, 150 ha, 250 emplois - activité de pépinières) qui contribuent à la saisonnalité chromatique des paysages, induisant un patchwork de carrés colorés, animant la plaine.


- La force des coteaux viticoles, dont les rangs induisent des directions, des rythmes, structurent le paysage et soulignent les reliefs. La viticulture s’accompagne aussi d’un patrimoine bâti de qualité, de la loge de vignes au château ou à la demeure bourgeoise et ses caves troglodytes. Ce patrimoine est souvent mis en scène par un premier plan viticole ordonnancé.

- La ponctuation des parcelles arboricoles dans les clairières des contreforts boisés aux abords de Saint-Rémy-La-Varenne notamment.

La multitude des infrastructures
L’unité des plaines et coteaux du Saumurois est profondément marquée par les infrastructures qui soulignent aussi son dynamisme économique :
- un réseau électrique aérien dense organisé en étoile depuis le poste électrique de Distré : Implanté au sud du bourg de Distré, dans un paysage agricole ouvert et dégagé, animé de douces ondulations, le poste EDF impose le maillage du réseau électrique et les bâtiments du poste.

- des infrastructures routières marquantes traversant la plaine du Douessin et reliant les trois centres urbains (Saumur - Doué-La-Fontaine - Montreuil-Bellay). L’axe historique de la RD 781 est à l’origine de l’implantation de plusieurs villages-rues (Ambillou- Château, Louresse…) dont certains sont aujourd’hui contournés donnant une nouvelle image de ceux-ci (changement de fonction de l’axe principal), sa mise à deux fois deux voies impacte lourdement la configuration topographique des paysages en induisant d’importants déblais et remblais dans ce paysage de plaine. Cela se traduit par la fermeture des abords de la route par des merlons végétalisés (protection des riverains contre les nuisances sonores) et la mise à nu de la roche (calcaire) dans les parties en déblai.

Si ces infrastructures constituent des caractères identitaires de l’unité paysagère, elles sont développées dans la partie dynamique.
Pour aller plus loin sur le patrimoine culturel et naturel
Patrimoine culturel :
- Consulter l’article Les paysages institutionnalisés
- Consulter la rubrique "Sites et paysages" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Consulter l’Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture
- Consulter les Bases Architecture et Patrimoine du Ministère de la Culture
Patrimoine naturel :
- Consulter la rubrique "Patrimoine naturel" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Trame verte et bleue : consulter le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) des Pays de la Loire
Sources bibliographiques
- BOSC & PIGOT, VU d’ICI, Bruno DUQUOC. Atlas des paysages de Maine-et-Loire. Département de Maine-et-Loire, DIREN, Pays de la Loire, DDE Maine-et-Loire Version éditée Le Polygraphe, 2002.
- BOSC & PIGOT, VU d’ICI, Bruno DUQUOC. Dossier Etude de l’Atlas de paysages de Maine et Loire. 1999 – 2001.
- Laboratoire régional des ponts et chaussées d’Angers. Etude cartographique des aléas liés à la présence de cavités dans la région saumuroise. DDE de Maine-et-Loire SAUE/CM ANGERS. 1996.