Emergence d’un paysage périurbain de transition
Un paysage pavillonnaire qui modifie les limites entre l’urbain et le rural

Depuis les années 70, la « périurbanisation » se généralise, tant à l’échelle régionale qu’à l’échelle nationale. Une nouvelle forme de développement urbain a émergé : le lotissement pavillonnaire. Ici la notion de lotissement se rattache à la forme urbaine majoritairement générée et non pas à l’opération de morcellement. C’est un micro paysage en soi, n’ayant souvent plus de lien avec l’urbanisme de centre-bourg. Le culte de la maison individuelle, non mitoyenne de préférence, avec jardin, a fortement participé au développement de cette forme urbaine et donc de ce paysage.

Sans préjuger d’une forme urbaine plus adaptée à l’intégration paysagère, la consommation foncière de paysages agri-naturels a un impact indéniable. Corolaire de la pression urbaine, les secteurs non concernés possèdent des prix fonciers moins élevés, ce qui n’incite pas à une réduction des tailles de parcelles. Cela crée véritablement un paysage de l’entre deux, ni complètement urbain parce qu’il n’en porte pas toutes les caractéristiques (notamment de densité), ni complètement rural car il se greffe et étend les bourgs sans véritablement préserver leurs composantes identitaires souvent très denses.

L’intensité et les proportions du développement urbain varient de manière très nette à l’échelle de la région. Ainsi, à proximité de l’agglomération nantaise, les opérations d’aménagement avec des terrains moyens de moins de 400m² pour l’habitat individuel sont fréquentes, voire la norme, et produisent des paysages aux ambiances plus urbaines avec une mitoyenneté plus fréquente et des typologies plus variées.

Les opérations que l’on va retrouver dans le nord-est de la région, sont clairement moins denses et la maison non mitoyenne y est plus présente. Le paysage associé y est davantage rural.

Pourtant, si l’intensité urbaine du paysage pavillonnaire varie aisément sur le territoire régional, un phénomène commun se dégage quant à la lecture du paysage. Les limites entre l’urbain et le rural s’estompent, tout comme la limite entre le bourg et l’espace agricole.

Dans tous les cas, que cette nouvelle frange urbaine soit temporaire (à plus ou moins long terme) ou permanente, son traitement permet rarement de l’identifier à une transition harmonieuse dans le paysage.

En frange urbaine, voire dans le tissu constitué, un phénomène directement lié à la pression urbaine vient marquer ce paysage périurbain : la « mise en attente » de portions de territoire. Corollaire à une augmentation des prix du foncier et donc à la potentielle manne pécuniaire, ce gel des terres peut se traduire de diverses manières dont notamment l’enfrichement.

Une homogénéisation des paysages bâtis à travers une production d’habitats pavillonnaires « reproductibles »
Le rapport entre espace bâti et espace non bâti s’inverse entre les centres denses et les nouveaux espaces pavillonnaires. Là où l’urbanité s’exprimait pleinement dans les centres anciens et au sein des faubourgs, les constructions ne sont plus qu’un élément parmi d’autres dans les périphéries urbaines. Il y a donc une dédensification, de fait, qui s’observe et par conséquence une consommation foncière accentuée.

La maison « individuelle », parfois non mitoyenne, se démarque d’un ensemble urbain structuré et se positionne davantage par rapport aux limites parcellaires que par rapport au tissu urbain existant. Cette déconnexion facilite la reproduction de ce modèle, avec une juxtaposition d’opérations les unes à côté des autres, de manière indépendante et transposable.
A l’échelle régionale, mais également à l’échelle nationale, une homogénéisation des maisons individuelles peut s’observer. Les caractéristiques divergentes se font de plus en plus rares (matériaux de toiture, pente de toiture, type d’ouvertures, menuiseries, couleur des maçonneries et nombre d’étages). Ainsi, sur le territoire des Pays de la Loire, seul l’axe ligérien permet encore de séparer deux typologies clairement distinctes.
Au nord de la Loire : des maisons avec une toiture à deux pans en ardoises ; une pente de toiture élevée permettant d’y inscrire un étage aménagé ; des couleurs de maçonnerie beige/blanc.

Au sud de la Loire : des maisons avec une toiture à deux pans en tuiles ; des constructions majoritairement de plain-pied avec une faible pente de toiture ; des couleurs beige/ocre/oranger.

Une prédominance des voiries induites par une dépendance à la voiture et une pratique piétonne limitée
La juxtaposition des quartiers d’habitation, en extension induit un éloignement géographique avec les centralités urbaines, quel que soit leur taille. La structuration des lotissements pavillonnaires dans les années 80 au début des années 2000, et leur déconnexion d’une armature viaire structurante (le fameux effet labyrinthe des lotissements, se terminant par une raquette), renforce le positionnement central de la voirie dans le paysage. Le fait que l’espace foncier soit moins contraint que dans les centralités a permis d’avoir des routes plus larges. Associée à l’implantation en retrait des maisons individuelles par rapport à l’espace public, la place de la voirie est clairement accentuée.

Cette prédominance de la voirie n’est pas simplement infrastructurelle, elle est aussi fonctionnelle. En effet, ce paysage périurbain est associé à une forte dépendance à la voiture. Nuancée dans certaines grandes agglomérations par une offre de transports en commun adaptée, l’usage piéton demeure anecdotique.
La voiture, multipliée par 2, 3 voire 4, pour une seule habitation, occupe généralement davantage l’espace public que l’espace privatif. Les garages, étant devenus des pièces de vie ou de stockage, ont perdu leur fonction initiale destinée à abriter la voiture. Les véhicules se retrouvent à l’extérieur et souvent sur les trottoirs pour davantage de praticité. Ainsi, les voitures deviennent un élément propre de ce paysage périurbain.

Même absentes, en journée, lorsque les habitants travaillent dans l’espace urbain, les voitures ne disparaissent pas complètement. Les places de parking participent à maintenir la sensation de présence des voitures comme élément du paysage. Cette tendance tend à s’infléchir avec les nouveaux modes de conception urbaine plus économe en voirie et plus soucieux de la qualité des espaces publics et des paysages urbains (Ecoquartiers- Approches Environnementales de l’Urbanisme…)
Une végétalisation plus importante qui compose un paysage plus « horticole »
La dédensification présentée précédemment induit des espaces vides importants que les habitants, viennent combler par de la végétation. Le paysagement des parcelles n’est toutefois que très rarement effectué à la livraison des maisons, il est souvent réalisé plusieurs années après la création du lotissement.

Selon les secteurs géographiques et les paysages environnants, l’usage du végétal est plus ou moins fréquent. Les clôtures, qu’elles soient végétales ou non, sont notamment liées à une recherche d’intimité. Les paysages périurbains au nord de la Loire confèrent une place au végétal plus grande qu’au sud.

En Vendée notamment, dans le cadre d’un lotissement, les clôtures, sous la forme de petits murets, font partie de l’aménagement de l’espace (semi-)public. Ce qui est moins fréquent dans les autres départements.

Pourtant, si la place du végétal est importante dans ces paysages périurbains, la diversité végétale ne l’est pas forcément. Dans la large palette végétale offerte, certaines essences phares sont surreprésentées (haie de thuyas ou de lauriers palme notamment). Le caractère « naturel » de ces séparations apparaît également discutable. Une haie taillée ne procure pas la silhouette naturelle de l’essence qui la compose et se rapproche dans certains cas, d’une maçonnerie verte.
Les paysages urbains, supports de continuité paysagère
Si les franges urbaines marquent une rupture ou une transition entre paysages urbains d’une part et paysages agricoles et naturels d’autre part, il n’en demeure pas moins que la nature n’a pas complètement disparu des villes. Elle a même tendance à regagner du terrain, notamment aux abords des principaux cours d’eau.
Ces espaces, au-delà de jouer un rôle esthétique certain, participant aux aménités urbaines, contribuent également au maintien de continuités paysagères, faisant le lien entre espace urbain et rural.
Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (en cours d’élaboration en 2014 - début 2015), en identifiant et hiérarchisant les principaux enjeux de préservation et de développement de la biodiversité, est également un outil d’aide à la prise en compte de la nature en ville et au maintien des continuités paysagères, notamment boisées.
