Les dynamiques paysagères de la presqu’île guérandaise

publié le 7 décembre 2015 (modifié le 30 décembre 2016)

Exemple d’évolution caractéristique du secteur de Guérande

Dans le cadre de l’analyse des dynamiques paysagères, pour chaque unité paysagère, un secteur particulier est choisi de manière à caractériser, en tant qu’échantillon représentatif de l’unité, une large partie des dynamiques vécues à l’échelle de l’unité. Cette analyse s’appuie notamment sur la comparaison des données cartographiques et des photographies aériennes à différentes époques données. Ce zoom est représentatif mais non exhaustif des dynamiques vécues à l’échelle de l’unité. Les dynamiques de l’unité qui ne s’illustrent pas à travers cet exemple sont donc détaillées à la suite.
Paysage d’interfaces d’une grande richesse, cette unité connaît des évolutions profondes amorcées pour certaines depuis le XIXème siècle (disparition des vignes), d’autres depuis l’essor du tourisme balnéaire au XXème siècle (disparition du bocage, perte de vitalité des marais salants, urbanisation diffuse…).

Un site historique
De nombreux sites archéologiques attestent que le sillon guérandais a joué très tôt un rôle de premier ordre dans l’économie de la région. Les premières traces de l’exploitation du sel remontent à l’époque Celte, et les premières salines à l’époque romaine. Du XIVème au XVIIème siècle, on assiste à un fort développement de Guérande et ses abords reposant sur l’essor du commerce du sel. À partir du XVIème siècle cependant, l’ensablement de ses sites portuaires et l’affaiblissement du sel comme monnaie d’échange font perdre à Guérande sa puissance maritime au profit du Croisic et du Pouliguen.

Simulation de l'évolution du paysage autour de Guérande de la fin du 19ème au début du 20ème siècle en grand format (nouvelle fenêtre)
Simulation de l’évolution du paysage autour de Guérande de la fin du 19ème au début du 20ème siècle



Au sud, le paysage se caractérise par la présence des marais salants de Guérande, entourés de coteaux viticoles. La ville de Guérande est implantée sur un plateau bocager. La ville fortifiée est entourée par une voie circulaire et irriguée par un réseau de voies en étoile. Les faubourgs se développent peu à peu le long des voies principales.
Comme le montre la carte de l’État-major, Guérande s’est organisé au coeur de ses remparts et par le développement de faubourgs le long de ses voies principales. Le commerce a incité ces expansions urbaines le long des axes.

Guérande – Carte d'état-major (1866) - (SCAN Historique à l'échelle du 1 : 40000) en grand format (nouvelle fenêtre)
Guérande – Carte d’état-major (1866) - (SCAN Historique à l’échelle du 1 : 40000)



L’extension de la ville hors des remparts
Au XIXème siècle, l’arrivée du chemin de fer et du tourisme balnéaire modifient en profondeur l’économie de la région. Au XXème siècle, on observe un fort développement urbain vers le littoral et à proximité des principales infrastructures. Le bocage ancien connaitra une forte diminution dans les années 1980 lors du remembrement à Guérande et sous le coup des avancées urbaines.

Photographies aériennes de Guérande au milieu du 20ème siècle en grand format (nouvelle fenêtre)
Photographies aériennes de Guérande au milieu du 20ème siècle

Guérande – Orthophoto 1948 (BD ORTHO Historique 1948) en grand format (nouvelle fenêtre)
Guérande – Orthophoto 1948 (BD ORTHO Historique 1948)



L’expansion concentrique autour du site historique

Guérande – Orthophoto 2012 (BD ORTHO) en grand format (nouvelle fenêtre)
Guérande – Orthophoto 2012 (BD ORTHO)



Au début du siècle, on observe déjà des transformations majeures, et notamment la disparition de la viticulture des coteaux au profit du bocage, qui se maintient par ailleurs sur le plateau. Des développements urbains ont lieu sur les franges du marais, mais surtout sur Guérande, en appui au réseau de voirie (boulevard de contournement notamment).
De nos jours et comme le montre l’orthophoto de 2012, le développement urbain en frange des marais est contrôlé, mais s’est concentré aux abords de Guérande. Le développement urbain a gagné les espaces interstitiels situés entre les grands axes routiers et a progressivement rattrapé l’axe de contournement. Cette voie située entre les développements résidentiels et la zone d’activité de Villejames notamment peut désormais être considérée comme une voie urbaine, intégrée à l’enveloppe de la ville.
Le développement résidentiel touche aussi le secteur rural, avec notamment des opérations de lotissement de standing intégrées à certaines zones boisées, très consommatrices d’espace.
L’urbanisation s’est fortement accentuée sur l’ensemble des voies principales et de chaque côté de la ville. Les franges du marais sont préservées mais celles avec le milieu agricole méritent une attention particulière car l’évolution du paysage s’accélère brutalement.

Une pression urbaine forte et variée
La pression urbaine est diversifiée sur le paysage guérandais. A la fois pour du développement pavillonnaire, pour des infrastructures liées au tourisme ou pour le développement d’activités économiques, chaque domaine pèse sur l’expansion de la cité. Autant les paysages sont assez stables sur les marais salants, les enjeux sont variés et importants sur les parties déjà urbanisées ou en frange, notamment avec le monde agricole (hors salicole). Le classement du site explique également cette évolution.
Comme en témoigne la carte IGN, les paysages ont évolué brutalement dans la seconde moitié du 20ème siècle. D’une part le développement du tourisme et des activités économiques ont multiplié les infrastructures et fragmenté les ensembles naturels. Le marais de Brière est séparé par la Route bleue du milieu agricole oppressée par l’urbanisation guérandaise. Mais de part et d’autres de cette axe, se sont développés des modes d’urbanisation parfois peu denses et variés.
Au niveau de Bissin et de Kerandon, au Sud-est de la ville, un développement pavillonnaire lié au tourisme notamment a vu le jour et présente une consommation foncière importante de chaque part de la voie nationale. L’espace d’activités de Villejames s’est largement propagé vers l’Est. Des conurbations vers l’Ouest se sont étendues également, le long des axes et vers les marais salants.
Les covisibilités sont marquées notamment part cette urbanisation sur les coteaux et sur les limites morphologiques des espaces. La topographie a accentué l’impact paysager des opérations récentes.

Carte IGN 2013 du secteur de Guérande (SCAN 25) en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte IGN 2013 du secteur de Guérande (SCAN 25)

Une forte pression démographique et urbaine sur l’ensemble de la presqu’île

Une urbanisation peu polarisée

(source DREAL, SIGLOIRE. Indicateurs habitat 2007-2011) en grand format (nouvelle fenêtre)
(source DREAL, SIGLOIRE. Indicateurs habitat 2007-2011)



L’ensemble de la presqu’île guérandaise a subi une forte pression rétro-littorale et un rythme de construction important depuis le début du 21ème siècle.
Les extensions urbaines se traduisent le plus souvent par des lotissements composés de maisons individuelles. Ces maisons entourées de jardins et en retrait des voies contrastent fortement avec les groupements de l’habitat traditionnel comme les centres bourgs où les hameaux. Cette urbanisation consommatrice d’espace se situe en continuité des bourgs et hameaux préexistants, aux franges urbaines souvent exposées au paysage.
On observe par exemple un développement notable sur la commune de Saint-André des Eaux, aux abords de la RD 51 et au Sud-Est de l’unité, à proximité de la RN 171 et du golf.
Globalement, Guérande s’affirme comme un pôle important sur le secteur de l’unité mais ne polarise pas l’ensemble des développements démographiques et économiques. L’urbanisation s’est généralisée parfois sur les parties les plus sensibles du territoire et les moins protégées. L’impact paysager a été important, notamment aux abords des espaces ouverts par des activités agricoles ou salicoles spécifiques.

Carte IGN 2013 du secteur de Saint-André-des-Eaux (SCAN 25) en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte IGN 2013 du secteur de Saint-André-des-Eaux (SCAN 25)



Le développement infrastructurel
La RN 171 et la RD 114 sont des vecteurs de diffusion urbaine importants. En recherche d’accessibilité, des activités ainsi que des habitations s’insèrent à proximité des axes routiers, créant des formes linéaires et imposant ainsi de nouvelles règles d’organisation spatiale en rupture avec les formes traditionnelles.
En lien avec le dynamisme du secteur, la multiplication du réseau routier s’est développé sur l’ensemble des espaces rétrolittoraux. Ces voies de circulation sont de plus confrontées à une augmentation générale du trafic. Elles prennent une importance de plus en plus grande, aussi bien en termes de surface qu’en termes d’impact visuel.
Les voies ont souvent des aménagements propres sur l’emprise routière qui créent un paysage linéaire avec un accompagnement propre (dispositifs anti-bruit, glissières, lampadaires, des merlons paysagers qui masquent le paysage) qui s’opposent à l’environnement dans lequel elles sont implantées.

Développement des réseaux pour les extensions urbaines
Les extensions urbaines impliquent la construction de nouvelles infrastructures afin d’accorder le nouveau tissu bâti aux réseaux :
routier, électrique, d’eau, d’assainissement ou téléphonique. Quand les voies traversent les bourgs et les villages, elles sont confrontées aux tissus urbains existants qui sont souvent peu appropriés à une telle utilisation de la voiture et à un partage modal entre différents usagers (piétons, vélos, voitures, poids lourds…).
L’attractivité touristique de l’unité a contribué à l’aménagement de nombreux itinéraires cyclables et sentiers de randonnée, qui sont des vecteurs de découverte privilégiés des paysages. Le réseau Vélocéan sera progressivement complété, permettant ainsi d’assurer des continuités à l’échelle de l’unité.

L’uniformisation des paysages périurbains
La nouvelle typologie du pavillon est souvent une réponse architecturale pauvre et banalisée dans tout le territoire qui ne s’intègre pas. En plus de la généralisation de l’architecture pavillonnaire, c’est surtout une pensée de ces nouveaux quartiers fait défaut. La réalisation est souvent le fruit d’un simple découpage économique du territoire et des contraintes de desserte des réseaux, sans réflexions sur leur implantation et sur leurs accroches avec le centre bourg. Le site existant est toujours porteur d’un potentiel paysager sur lequel les projets de nouveaux quartiers pourraient s’appuyer pour mieux s’inscrire dans le paysage (relief, expositions, vues, liaisons, écoulement des eaux, typologie et parcellaire, végétation..).
Il est à noter que certaines salorges (entrepôts à sel des paludiers) sont désormais acquises par des particuliers et transformées en unité d’occupation.

Une forte expansion économique, identitaire et patrimoniale

Le développement de l’activité agricole
Le bocage traditionnel s’est fortement dégradé sur les hauteurs et l’ouverture des paysages a participé à la « mise à nu » des nouvelles franges urbaines, peu valorisées. Dans l’ensemble, de plus en plus de nouveaux espaces sont arrachés aux terres agricoles, afin de devenir constructibles et ainsi d’accueillir les logements et les activités. Cependant, l’implantation des nouvelles extensions urbaines compromet souvent la poursuite des activités agricoles.
La spécificité de l’activité salicole a été préservée sur le territoire notamment par le biais de diverses protections paysagères, environnementales, identitaires… Mais les marais salants font aujourd’hui face à une pression touristique importante et doivent relever le défi de garantir leur activité pour conserver ce paysage patrimonial remarquable.

Les marais salants de Pont d'Arm – Orthophoto 2012 (BD ORTHO) en grand format (nouvelle fenêtre)
Les marais salants de Pont d’Arm – Orthophoto 2012 (BD ORTHO)



Un poids économique varié
Le développement économique se concentre aux abords de Guérande. Le paysage actuel est peu structuré, les activités implantées étant juxtaposées les unes aux autres sans réel travail sur les lisières entre les zones d’activités et la campagne ou les quartiers habités, sans réflexion sur les limites et les clôtures.
Dans les années à venir, le développement économique devrait s’orienter sur les communes du Nord, notamment Saint-Lyphard et Herbignac. Il faut travailler sur les limites d’urbanisation pour préserver les activités économiques liées à la mer et privilégier la diversité des usages et des paysages.

L’essor identitaire
La presqu’île guérandaise et sa cité médiévale bretonne offrent des paysages remarquables mêlant à la fois terre et océan. Ainsi alternent les étendues ouvertes de marais salants qui font la renommée de ce terroir et les plateaux bocagers avec des bourgs et une cité à l’identité résolument bretonne. Cerné par des espaces naturels remarquables construits par l’activité humaine (marais de Brière, de Guérande, du Mès) et par le littoral, ce territoire est clairement délimité. Sous la pression urbaine rétro-littorale et sous l’influence de la proximité de l’agglomération nazairienne et bauloise, ce territoire est donc particulièrement fragile au regard de la spécificité de ses paysages. C’est notamment sur la persistance de la trame bocagère et sur l’intégrité des coteaux qui cadrent les marais que les enjeux se concentrent le plus.

Vue sur les coteaux guérandais depuis le marais en grand format (nouvelle fenêtre)
Vue sur les coteaux guérandais depuis le marais