Les champagnes ondulées sarthoises (UP10)

publié le 22 décembre 2015 (modifié le 5 janvier 2017)

Pour en savoir plus sur le roussard

J. DUFOUR. Dossier de presse de l’exposition photographique « Terres de roussard ». 2004.
« Littré définit le roussard comme « une sorte de grès roussâtre ». Il ne dit rien de sa localisation, mais tous les manceaux connaissent le terme car le roussard est, comme le dit le Comte de Montesson dans son vocabulaire du Haut Maine (1899), un grès ferrugineux, fournissant la pierre de taille et maçonnale, très abondant sur la rive droite de la Sarthe. Le minerai de fer gît en dessous ; à la Bazoge, les galeries d’extraction existent encore, ainsi que la perrière des Câlonnes », déjà exploitée au Moyen-Age.
La couleur ocre qui le caractérise est effectivement donnée par l’oxyde de fer présent dans le ciment qui concrétionne les grains de sable ; si le roux tire par endroit sur le noir, c’est grâce à de l’oxyde de manganèse qui s’ajoute à l’oxyde de fer pour donner alors un grès particulièrement dense.

Grès roussard mis en oeuvre dans la chapelle de Saint-Denis-des-Eaux (Mézièressous-Lavardin) – service de l'Architecture et du Patrimoine de la Sarthe en grand format (nouvelle fenêtre)
Grès roussard mis en oeuvre dans la chapelle de Saint-Denis-des-Eaux (Mézièressous-Lavardin) – service de l’Architecture et du Patrimoine de la Sarthe



Où le trouve-t-on ?
Il se présente comme un grès à gros grains car le matériau de base est en général le sable cénomanien, sédiment marin du Crétacé, qui affleure largement tout autour du Mans. Cependant, c’est dans une bande de terrain située entre la Sarthe et la Champagne mancelle que le roussard est le plus abondant et surtout qu’il se présente sous la forme de dalles épaisses et assez continues pour avoir suscité dans le passé une véritable industrie extractive dépassant la simple carrière pour les besoins locaux, comme à La Bazoge en particulier. (…)

Un grès très répandu, peu coûteux et largement utilisé
Les grands gisements ont fourni à la fois du minerai de fer pour les grosses forges du nord-ouest du Haut-Maine et de la pierre de taille : l’abondance du matériau à proximité a fait qu’on a beaucoup utilisé cette pierre de taille dans le nord-ouest et le centre du Haut-Maine à la fois dans de belles constructions appartenant à l’architecture civile (maisons de maître de métairies comme le Ménard à Neuville, moulins, …) ou à l’architecture religieuse (certaines églises comme celles de Ségrie, Vernie, Domfront-en-Champagne sont presque entièrement de roussard), sans oublier les croix archaïques nombreuses dans le nord-ouest de la Sarthe.
L’aire d’utilisation du roussard est vaste et difficile à cerner car il a pu être transporté au loin, jusque dans le Bas-Maine, où il est utilisé malgré la présence d’autres bonnes pierres de taille (grès primaires). Le calcaire jurassique le concurrence dans la Champagne (pierre de Bernay) et dans le Saosnois (Villaines-le-Carelle) ; dans le sud de la Sarthe, il fait place au tuffeau, un autre matériau local abondant et facile à travailler. Quant au roussard employé sur les plateaux tertiaires comme le plateau de Saint-Calais, ce n’est pas forcément un roussard typique du Haut-Maine, lequel est lié au Cénomanien sableux : ce peut être un grès ferrugineux formé à partir de d’autres sables et galets de quartz sur ces plateaux, grès qu’on appelle plus communément « grison ».
D’une façon générale, partout où affleure le sable, on a utilisé le roussard dans toutes sortes de constructions, des plus nobles aux plus modestes, car, lorsque la pierre était irrégulière et moins belle, (elle était souvent simplement ramassée dans les champs), on pouvait toujours l’utiliser dans la maçonnerie sans la tailler.
En tous cas, rares sont les églises romanes du centre du Haut-Maine où le roussard n’apparaît pas au moins un peu dans la construction, soit taillé soit en opus incertum, soit dans le décor, et cette particularité a retenu l’attention des historiens d’art : l’auteur du « Maine roman » (coll. Zodiaque) voit dans l’utilisation de ce grès « assez rebelle à la sculpture mais de taille assez aisée… » l’une des « particularités » de l’art roman de notre région. »