Les caractères du marais breton vendéen

Une baie dessinée par les plissements hercyniens


Les plissements hercyniens d’orientation Nord-Ouest/Sud-Est témoignent des formations de l’ère primaire, imprimant une topographie marquée par des reliefs importants. Au Secondaire, le socle s’aplanit puis des épisodes tectoniques font rejouer les failles lors de la formation de l’Atlantique et de la surrection des Alpes : les roches dures métamorphisées se trouvent en hauteur tandis que les roches les plus tendres sont creusées, ce qui explique la présence des presqu’îles de Beauvoir et de Saint-Urbain. Les déformations tectoniques, pourtant mineures, accentuent les effets des transgressions et des régressions marines qui modèlent le littoral, comme en témoigne les roches sédimentaires calcaires sur de faibles reliefs résiduels (couloir du Puit Neuf, îles de Bouin, Sallertaine, le Perrier) à caractère plus ou moins marin (marnes de Challans).

Un archipel d’« îles » proches du littoral

Un cordon dunaire qui referme la Baie de Bourgneuf
Le bassin de Challans, effondré avant la période du crétacé, témoigne de la pénétration de la mer, seulement interrompue par quelques retraits de courte durée. Installé sur un bloc basculé d’est en ouest, il est bordé au nord (presqu’île de Beauvoir) et au sud (éperon rocheux de Saint-Gilles) par des reliefs de ligne de faille qui ont formé des falaises lors des nombreuses transgressions. Son colmatage commence lors du Crétacé, à l’abri de cordons dunaires progressant à partir du nord et du sud, et se poursuit pendant les transgressions du Quaternaire ; les roches sédimentaires recouvrent les terrains schisteux qui affleurent à l’ouest. Ces sédiments de colmatage sont aujourd’hui essentiellement représentés par le bri, dépôt à texture argileuse qui a facilité par son imperméabilité l’implantation des salines. Quelques roches sédimentaires datant du Lutétien, localisées sur de faibles reliefs résiduels, forment les « îles » du marais (dont l’île de Bouin) tout comme les cordons dunaires interrompus qui forment les longues îles du littoral (comme l’île de Monts).


A l’ère quaternaire, de puissants phénomènes d’érosion, liés aux fortes baisses du niveau de la mer et à une intense action éolienne, ont provoqué le déblaiement partiel des dépôts dans les vallées et ont façonné les grands traits du paysage actuel. Plus récemment a eu lieu la régularisation de la côte, deux flèches sableuses se sont constituées à partir du sud, de Sion vers Orouët, et du nord, du promontoire de Noirmoutier à Saint-Jean-de-Monts. Cette dernière est interrompue au niveau du goulet de Fromentine et isole l’île de Monts. Sous l’action conjuguée du vent et des marées, les sables se sont accumulés sur les hauts-fond calcaires jusqu’à former un cordon dunaire large de 1 à 2 kilomètres qui isole naturellement le marais de la façade maritime.

Un paysage horizontal maîtrisé par l’homme
Ainsi, l’île de Bouin, juchée sur une butte calcaire de faible relief, était auparavant séparée du continent par le bras de mer appelé le Dain, jusqu’à ce qu’un pont la relie à Bourgneuf en 1834. Elle était alors un important centre de production de sel grâce à ses nombreux marais salants. L’envasement progressif des eaux, ainsi que la construction de digues visant à protéger l’île des raz-de-marée, a progressivement rattaché Bouin au continent et formé le polder agricole que nous connaissons aujourd’hui. Les terres du marais proviennent de la compaction des vases qui constituaient le marais.



Ce tassement a été favorisé par la construction des canaux qui permettent de drainer l’eau vers l’océan. Cette perception insulaire demeure dans le paysage tant sur le secteur de Bouin au nord et l’archipel urbain du Perrier, Sallertaine et des îles de Riez que sur les façades portuaires des anciens bourgs côtiers de Bourgneuf-en-Retz ou Beauvoir-sur-Mer…

La partie la plus ancienne du marais, située le long de l’ancien trait de côte, a toujours une présence très forte dans le paysage à travers plusieurs mottes féodales et abbayes qui étaient implantées en situation insulaire légèrement en avant du trait de côte. (cf. notamment le motte de Bois de Céné ou l’abbaye de l’île Chauvet qui en sont des exemples remarquables).
C’est à partir de ces fiefs seigneuriaux que la production du sel s’est organisée. Le sel tout au long de l’ancien régime est le pilier principal de la fiscalité et de l’économie locale.

Un labyrinthe d’eau qui structure le paysage


A l’entrée du marais, des aménagements artificiels ont structuré le réseau en canaux hiérarchisés, visant à drainer le marais où à y faire entrer de l’eau de mer dans le cas particulier des marais salants. Ainsi, au nord, dans les marais salants de Bouin, un réseau important d’étiers structure le paysage : les plus importants d’entre eux sont le Grand Etier de Sallertaine et le Canal du Dain. Le marais de Monts, mélange d’eau douce et d’eau saumâtre, possède un réseau plus rectiligne, dont les plus grands canaux suivent le cours d’anciennes rivières, comme c’est le cas du Canal de la Taillée par exemple. La Vie, qui débouche sur l’océan à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, constitue l’un des rares exemples de fleuve qui traverse le marais. Il est bordé par des marais salants qui composent une mosaïque d’eau à l’appui de ses berges. Dans ces marais, l’eau sert également de clôture naturelle pour les pâtures, ce qui permet de dégager complètement la vue, à l’inverse du secteur sud-ouest où des haies bocagères, le long des canaux et fossés, referment le paysage. Seuls les essepes (pierres de granit disposées à l’entrée d’un champ et permettant d’en fermer l’entrée à l’aide de barres de bois coulissant dans des trous) ponctuent ce paysage en bas-relief.

Deux logiques hydrographiques pour gérer eaux douces et eaux salées qui structurent le paysage

Les réseaux hydrographiques répondent à deux logiques différentes. Le réseau hydrographique des polders a pour objectif d’évacuer l’excédent d’eau de pluie qui pourrait noyer les terres et les infiltrations d’eau de mer qui les rendrait stériles.
Le réseau hydrographique des marais a au contraire pour objectif d’alimenter les marais en eau de mer via les étiers. Deux systèmes, de nature profondément différente, coexistent donc.
Les gradients de salinités, qui conditionnent la structure des paysages du marais (végétation, occupation du sol) s’expliquent quant à eux par l’apport d’eau douce en provenance des nappes phréatiques continentales mais également par une diminution de l’apport d’eau de mer.

Des activités entre terre et mer

Des ports en frange nord-ouest de marais, qui ouvrent sur la Baie de Bourgneuf
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Des petits ports ostréicoles et de pêche (Ports du Bec, du Collet, des Brochets, des champs) qui terminent les étiers, se distinguent dans le paysage par leur architecture simple de bois colorée et leurs cabanes ostréicoles alignées sur les bassins de claires. Les pieux d’amarrage et escatades qui bordent l’eau sont comme des mikados semés aléatoirement sur l’embouchure des rivières et étiers. De même les cabanes de pêche, noires sur pilotis, étendent leur carrelet le long des étiers. Ces petits ports pittoresques sont à mettre en relation avec tout le paysage des casiers ostréicoles qui quadrillent la baie à marée basse. Ils sont également reliés aux bassins d’aquaculture, d’ostréiculture et d’algoculture qui font l’interface entre les polders et l’océan.

Une saliculture qui structure encore le paysage


Les marais salants permettent l’extraction du sel de la mer par évaporation. L’eau de mer est amenée profondément dans le marais par de grands canaux, puis circule doucement dans des bassins de décantation successifs. Le sel est ramassé dans les œillets. Après la seconde guerre mondiale, les marais salants ont peu à peu été remplacés par des activités plus rentables. En particulier, l’ostréiculture et la pisciculture, qui prennent une place de plus en plus importante et modifient la structure du marais (besoin d’eau vive et non stagnante, constructions de cabanes, etc.). Cette organisation en marais facilite l’ouverture du paysage, et le structure en dessinant une mosaïque de petites pâtures d’un hectare voir moins et de parcelles laniérées le long des étiers ou des rivières.

Pour en savoir plus sur les salines du marais breton vendéen

Un paysage qui se structure entre marais doux et marais salés
La construction, plus en avant, de nouveaux marais salants entraîne le comblement progressif des oeillets primitifs qui se transforment en pâturages tout en laissant une empreinte dans le modelé du sol.
A la fin du XVIII, début du XIX siècle, grâce aux techniques apportées par les Hollandais, de grands polders agricoles sont construits en façade maritime du marais. (île de la Crosnière, île de Boin …) Le paradoxe de ce paysage est que les terres agricoles sont situées à l’opposé du trait de côte initial et séparées de lui par le marais salé. La lecture du paysage, depuis la côte vers le continent, permet ainsi de remonter dans le temps.

Un paysage de cultures et poly-élevage sur le marais doux


Les marais d’eau douce sont concernés essentiellement par une activité agricole d’élevage (moutons, poulets (Challans), canards…) et de céréaliculture sur les zones les plus élevées. L’eau provient des exutoires des plateaux bocagers (vallées, eau de pluie), et favorise la descente des ambiances bocagères dans les franges du marais. C’est le cas notamment du bocage structuré sur les canaux du marais doux autour du Perrier.

Au sud, des franges maraîchères au bord du marais


Sur les franges sud du marais (autour des îles du sud), le long du cordon dunaire littoral et en pied de coteau bocager est, se développe un paysage spécifique de maraîchage. La qualité des sols limono-sableux, l’ensoleillement et la disponibilité de l’eau douce ont favorisé tout naturellement le développement de ces cultures qui ne nécessitent par ailleurs pas de grandes surfaces. Le patchwork coloré des petits champs cultivés alternant avec les reflets « presqu’aquatiques » des tunnels de plastique répond au paysage de la mosaïque d’eau palustre.

Un kaléidoscope du ciel


Si les paysages de marais se découvrent d’un seul coup d’oeil avec un horizon à 360°, leur complexité se lit en fait en deux dimensions sur l’horizontale. Le graphisme complexe des canaux découpe les pâtures et les cultures, alternant avec les miroirs des bassins. C’est un kaléidoscope du ciel qui ne prend de sens que lorsque l’on prend de la hauteur.

Une palette végétale restreinte révélant le gradient des eaux

Un gradient entre eaux douce et saumâtre dans le marais


Dans les marais, les espèces arborées dominantes sont le tamaris, qui borde les routes, et le cyprès, employé en haie brise-vent auprès des fermes et des hameaux. Sur les zones humides d’eau douce qui bordent le plateau bocager, les prairies sont bordées de peupliers, saules et quelques aulnes Des phragmites (roseaux) longent parfois les canaux et peuvent former de véritables rideaux animés par le moindre souffle de vent. Le long des étiers et dans les marais salants, ce sont les couleurs marquées des plantes salicoles comme la salicorne qui redessinent les berges.

Les boisements dunaires Les cordons dunaires sont couverts de pins maritimes, correspondant aux vastes campagnes de stabilisation des dunes entreprises sous Napoléon III. Ces plantations sont complétées par des boisements de chênes verts, qui confèrent des ambiances différentes, et forment la grande forêt domaniale des Pays de Monts. Elles constituent des écrans végétaux majeurs dans la perception du paysage. La forme des arbres est sculptée par le vent sur le front de mer : c’est le phénomène d’anémomorphose. Un gradient s’opère de la mer vers les terres, la végétation étant plus rase au contact direct des vents et des embruns et s’élevant progressivement jusqu’à former les massifs boisés. On trouve ainsi sur la végétation un véritable écho au paysage de la topographie dunaire.

De grandes infrastructures rares mais marquantes

Si l’eau est le moyen le plus traditionnel de pénétrer ces marais, les chemins et routes desservent également de manière assez dense le marais. Elles irriguent de manière tout aussi labyrinthique que l’eau l’habitat diffus de ce territoire. Seules les principales routes de desserte se distinguent par leur surélévation et leur rectitude (comme la route Machecoul/Bouin) et parfois leurs aménagements comme les merlons « paysagers » se distinguent fortement dans le paysage horizontal du marais en interrompant les vues (route de Challans/Saint-Jean-de-Monts).


Point de repère récent dans le paysage du marais, les éoliennes de Bouin sont implantées sur la zone de polders et caractérisent le cœur de l’ancienne Baie de Bourgneuf.

Des bourgs insulaires compacts

Compte tenu de l’inondabilité du marais et des raz de marée fréquents avant la construction de la digue, les implantations de bourgs ont été très limitées et se sont localisées sur les principales parties émergées (île de Bouin, Sallertaine, le Perrier, Beauvoir-sur-Mer) et sur toute la frange des marais (Challans, Soullans, Machecoul…). Outre l’accueil des bourgs, ces terres émergées étaient aussi destinées aux pâtures d’hivernage et aux petites cultures. Ceci explique la grande compacité des bourgs historiques, pour économiser ce foncier précieux. Ces pâtures d’hivernage et petites cultures laissent place aujourd’hui à une couronne pavillonnaire et une périphérie d’activités.
Les rues se continuent par les canaux dans le marais ou frangent les étiers en quais. Étroites, elles gardent une configuration en ligne brisée permettant d’éviter les engouffrements de vents.


Une identité maraîchine qui se lit au travers de l’architecture

L’identité architecturale du marais est conditionnée à la fois par la particularité des matériaux employés et l’adaptation aux conditions climatiques tant dans la volumétrie, les ouvertures que dans les implantations. Il s’agit notamment de se protéger des vents océaniques et de profiter de l’ensoleillement. On y retrouve ainsi quatre grands types traditionnels dominants : la bourrine, la maison maraîchine, la maison du saunier, la maison basse de bourg et la maison de ville.


Pour en savoir plus sur l’architecture identitaire du marais breton vendéen

Des zones d’activités qui marquent les franges du marais


La faible stabilité des sols du marais et les diverses protections naturelles (notamment Natura 2000) ont limité le développement des zones d’activités dans le marais (en dehors de celles liées au marais). Ainsi ces zones industrielles et commerciales sont plus présentes sur les entrées des principaux bourgs en frange de marais (Beauvoir-sur-Mer, Challans, Soullans, Saint Hilaire de Riez, St Jean et Notre Dame de Mont). Elles se distinguent particulièrement dans le paysage par leur volumétrie et leur couleur qui tranchent sur l’horizon des franges de marais.

Pour aller plus loin sur le patrimoine culturel et naturel

Patrimoine culturel :

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