Le marais poitevin (UP49)

publié le 22 décembre 2015 (modifié le 6 janvier 2017)

Pour en savoir plus sur la poldérisation des marais

Source : S. DUGLEUX. Il était une loi "Essai sur la valeur patrimoniale d’un paysage". TPFE, ENSAP, Bordeaux, 1997.

L’impulsion donnée par les abbayes à partir du VIIème siècle
L’implantation des moines, à partir du VIIème siècle, dans les îles et sur le rivage, seuls véritables lieux habitables, impulse véritablement la transformation radicale des marais : avec des motivations plus économiques et politiques que religieuses, l’Église voulait s’enrichir du développement des nouveaux polders en permettant l’implantation d’une paysannerie sédentaire. En 1217, les abbayes de Maillezais, Nieul-sur-l’Autise, Saint Michel en l’Herm, L’Absie et Saint-Maixent obtiennent un vaste territoire qu’elles doivent mettre en valeur : c’est l’aménagement du Golfe des Pictons, actuel Marais poitevin. A la fin du Xème, siècle les premières ébauches de drainage permirent les mises en culture mais c’est véritablement à partir du XIIème siècle que commencent les travaux d’endiguement. C’est ainsi la partie la plus proche de la mer (facilité d’évacuer l’eau, engorgement plus faible par les eaux terrestres) qui fut desséchée en premier en élevant des digues et en drainant la partie isolée par des canaux. La maîtrise de l’eau était primordiale : en période estivale, les vannes qui permettaient de puiser l’eau dans le marais mouillé sauvage étaient ouvertes ; en hiver, les vannes étaient fermées pour éviter l’inondation laissant le marais mouillé éponger les crues. Une partie du marais était ainsi quadrillé par un réseau de digues et de canaux. Fortes de cette valorisation du territoire, les abbayes du marais ainsi desséché se développèrent pour rayonner tant économiquement que culturellement sur le territoire, comme en attestent les remarquables vestiges patrimoniaux encore lisibles dans le paysage aujourd’hui.

Une réorganisation des marais à partir du XVIIème siècle
La majorité de ces ouvrages furent anéantis par la guerre de cent ans et les guerres de religions. Faute d’entretien, les marais desséchés retournèrent presqu’à leur état originel. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que reprirent les travaux de dessèchement. Les marais furent réorganisés avec une plus grande régularité géométrique. Le système de « portes-à-flot » du Moyen-Âge furent repris aux points de contact avec la mer (portes librement battantes qui empêchaient l’eau de mer d’entrer et permettait l’écoulement de l’eau douce hors du marais). Les marais mouillés étaient quant à eux isolés, habités de modestes huttes de roseaux ou de cabanes en pierre, petites exploitations polyvalentes adaptées au milieu. Les sols régulièrement inondés présentaient une grande valeur économique. Les habitants y vivaient de la pêche, la chasse et des productions maraîchères, essentiellement vivrières, sur les terrains émergeants (les mottes). Ils plantaient des terrées : têtards de frênes pour le chauffage, aulnes pour le travail du bois et osiers.

Terrées dans le marais mouillé (Fontaines – source PNR Marais poitevin) en grand format (nouvelle fenêtre)
Terrées dans le marais mouillé (Fontaines – source PNR Marais poitevin)



Une meilleure régulation hydraulique entre marais desséché et marais mouillé impulsé sous napoléon 1er
Sous l’impulsion de Napoléon Ier et de ses ingénieurs, de grands travaux d’aménagement sont lancés dans le marais mouillé avec pour objectif notamment de favoriser l’écoulement de la Sèvre Niortaise pour mieux assainir le marais. Ainsi le fleuve est curé, élargi, redressé. Par ailleurs, l’approvisionnement en eau du marais desséché au moyen de bondes (ouvertures dans les levées) est autorisé. Minimisant les inondations saisonnières, ces modifications confortèrent la Sèvre Niortaise dans son rôle de voie commerciale maraichine.
Progressivement la gestion du marais s’organise avec la régulation du niveau d’eau entre les deux types de marais. Ce niveau devient l’enjeu central et induit la hiérarchisation de l’entretien en fonction du gabarit des canaux. Les roselières disparaissent progressivement du marais mouillé au profit des cultures maraîchères comme la Mogette et des peupleraies. Le marais mouillé ainsi valorisé n’est plus uniquement le vase d’expansion des eaux autour des cultures du marais desséché.

Peupliers dans le marais mouillé (source Alain TEXIER 29/05/2007 – PNR Marais poitevin) en grand format (nouvelle fenêtre)
Peupliers dans le marais mouillé (source Alain TEXIER 29/05/2007 – PNR Marais poitevin)



Des marais toujours régulés par l’homme
Organisée écologiquement et socialement autour de la maîtrise de l’eau, la société maraîchine a mis en place un système d’exploitation, de relations et d’échanges spécifiques qui transparaît dans les paysages au travers des ports et cales reliés par des conches et de la présence des grands communaux (vastes pâtures communes). Ainsi le système de mise en valeur des terres a permis au cours de l’histoire une certaine indépendance par rapport à la notion de propriété et des modes de faire valoir collectifs du territoire (communaux). Il en résulte une structuration sociale spécifique qui se traduit directement dans le parcellaire des communes du marais Le fonctionnement hydraulique du marais relève d’une grande complexité. La régulation des niveaux d’eau à l’échelle de la zone humide est difficile car elle se heurte à des jeux d’acteurs et des objectifs différents, et ce sur des territoires intimement liés.

Carte schématique de la gestion collective des marais communaux (source : PNR Marais poitevin, 2011) en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte schématique de la gestion collective des marais communaux (source : PNR Marais poitevin, 2011)

Pour en savoir plus sur le bocage

Sources :

  • CAUE de la Vendée. Bien construire entre Sèvre et Maine. Conseil général de Vendée, 2015.
  • Pays de Loiron et de Laval. État Initial de l’Environnement du SCOT. 2014

Structure paysagère régionale dominante, le bocage, avec son maillage de haies plus ou moins denses, présente des variations non seulement dans sa composition mais aussi dans sa géométrie en s’adaptant au relief, à l’hydrologie, à la nature des sols et au mode de faire-valoir agricole. Ce dernier conditionne notamment l’équilibre entre pâtures et cultures caractéristique de ce paysage de polyculture-élevage. Le bocage se structure ainsi autour du triptyque haie/talus-fossé/mare et s’accompagne d’un petit patrimoine vernaculaire bien spécifique de chaque secteur. Cela lui donne une véritable qualité paysagère et contribue directement à la qualité du cadre de vie. Le bocage prend aussi d’autres fonctions primordiales dans la valorisation agricole des territoires et leur richesse écologiques. La disparition des haies peut être relativement dommageable compte tenu des différents rôles qu’elle peut jouer :

Paysage structuré par la trame des haies du bocage mayennais vu depuis le Mont Montaigu en grand format (nouvelle fenêtre)
Paysage structuré par la trame des haies du bocage mayennais vu depuis le Mont Montaigu



La haie, un régulateur climatique
La haie, en milieu agricole doit avant tout être efficace face aux effets du vent. Une bonne haie brise-vent protège efficacement un pré, une culture ou un bâtiment sur une distance de 10 à 20 fois sa hauteur selon sa perméabilité.
Une haie brise-vent protège les cultures des dégâts du vent : verse des céréales, trouble de la pollinisation, de chute et lacération des fruits dans les vergers…
De plus une haie améliore le climat de culture en réduisant l’évapotranspiration, en maintenant l’humidité et en réduisant les écarts de température. Le brise-vent augmente le rendement des productions végétales et animales, malgré la petite perte de terrain ou la faible concurrence de la haie par rapport à la culture pratiquée. Cette perte de terrain se chiffre de 2 à 3 % pour un terrain de culture (3 à 5 hectares) et de 3 à 4 % pour zone d’élevage (1 à 3 hectares).
On estime que les rendements des cultures abritées par des haies brise-vent sont augmentés de 6 à 20 % par rapport à une même culture en zone ouverte. De plus la quantité et la qualité (appétibilité) sont accrues (de 20 %) pour les cultures destinées au fourrage. La haie possède également l’avantage de protéger du soleil l’été.

La haie ralentit l’écoulement et purifie l’eau
Les haies implantées sur les flancs de pentes, même faibles freinent l’écoulement de l’eau, permettant son infiltration et de suite sa purification. Les haies servent de réservoirs à eaux assurant un débit régulier des cours d’eaux et créent une zone humide à son pied. De plus les arbres pompent le surplus d’eau pendant les périodes d’humidité, surtout au printemps lorsque la végétation se réveille. Les arbres absorbent de grandes quantités d’eau assainissant le sol. Une haie permet de dénitrifier les eaux, chaque arbre a des fonctions particulières. Cette ripisylve influe sur la dynamique même du cours d’eau : elle a des impacts sur l’écoulement de l’eau, les dépôts et érosions, les embâcles de bois morts et la stabilité des berges. Cette zone boisée épure l’eau des produits phytosanitaires car l’ensemble des systèmes racinaires filtre l’eau pour pouvoir nourrir les végétaux de minéraux et de substances nutritives comme l’azote. La haie joue également sur les concentrations de produits phytosanitaires, un peu comme les bandes enherbées de 10 mètres de large obligatoires le long de certains cours d’eau.

La haie limite l’érosion
Les haies empêchent également l’érosion des sols, en le retenant (Si une haie est plantée parallèlement aux lignes de niveau, alors les éléments transportés par l’érosion seront stoppés par la haie). Elles permettent également de maintenir les berges des cours d’eau.

La haie et ses ressources pour l’homme
Les haies sont encore une source d’énergie renouvelable, par le bois que fournit leur entretien. Cela induit des modes de gestion et une périodicité dans l’émondage, la coupe ou le recépage des arbres qui marquent très fortement le paysage de bocage en contraignant la silhouette des arbres qui de fait ne développent que rarement leur port naturel dans les haies. Les haies sont par ailleurs souvent plantées de fruitiers à proximité des exploitations constituant une ressource vivrière.

Gestion en têtard des frênes pour exploiter le bois dans le bocage du marais mouillé du Marais Poitevin (Chaillé-les-Marais) en grand format (nouvelle fenêtre)
Gestion en têtard des frênes pour exploiter le bois dans le bocage du marais mouillé du Marais Poitevin (Chaillé-les-Marais)



Le bocage : une trame verte écologique
Les haies sont un lieu de vie important pour diverses espèces et servent de refuges et de corridors écologiques, et sont donc à la source d’une richesse faunistique et floristique très importante.

Perception sociale du bocage et de la campagne
Dans le cadre de la réalisation de l’atlas régional de paysages, une enquête sociologique a permis de révéler non seulement l’importance du bocage dans la perception des campagnes mais aussi la diversité des perceptions et des modes de vie auxquels il renvoie. Les témoignages montrent l’imbrication entre l’identification du bocage et la spécificité des autres éléments du paysage ainsi que les différents modes de valorisation économique du territoire. L’ensemble des témoignages suivants permet d’apprécier toute la subtilité de ces perceptions.
Témoignages des participants sur leur attrait pour les paysages de campagne (du bocage à la diversité agricole du territoire) et les villages (lien vers témoignage)

Le bocage support de projet pour l’aménagement du territoire
Les dynamiques de disparition du bocage ou au moins de la distension de son maillage de haies amènent à réfléchir aujourd’hui à la trame bocagère de demain. La haie et le bocage deviennent de véritables objets de projet et ce à toutes les échelles opérationnelles. Les expériences, programmes de gestion ou replantation et fiches pédagogiques présentés ci-dessous, s’ils sont loin d’être exhaustifs, montrent bien la diversité des réflexions en cours à l’échelle de la région pour réinvestir cet élément d’identité qu’est le bocage pour accompagner la réflexion à toutes les échelles de l’aménagement des territoires ruraux :

Pour en savoir plus sur l’architecture du Marais poitevin

La cabane  : l’habitat du marais mouillé a évolué à travers les siècles, depuis la hutte primitive jusqu’à la ferme maraîchine traditionnelle. Construite à partir de murs de bois et couverte de roseaux, la hutte devait plus ressembler à la bourrine vendéenne qu’aux fermes maraîchines actuelles. Du fait de la fragilité des matériaux cette forme de construction a aujourd’hui totalement disparu et il n’en reste de traces que dans la toponymie de nombreux hameaux en périphérie du marais. C’est l’utilisation des matériaux solides (moellons de calcaire et tuile canal) à partir du XVIIème siècle qui a permis de perpétuer la forme bâtie de base du marais : la cabane. Modeste en surface, constituée d’une pièce surmontée d’un grenier ouvert de fenestrons carrés pour le séchage et l’éclairage, la cabane présente un profil bas et allongé laissant peu de prise au vent. Elle est orientée vers le chemin d’accès et côté conche une grange ou un simple auvent abrite le foin et le matériel.

Cabane du marais mouillé (source : PNR Marais poitevin) en grand format (nouvelle fenêtre)
Cabane du marais mouillé (source : PNR Marais poitevin)



La ferme maraîchine : Implantée sur une aire (tertre accolé à une levée d’accès) souvent plantée pour isoler des vents, la ferme maraîchine dans le marais desséché est souvent de forme allongée. La façade de la ferme est simple et bien ordonnancée (une porte centrale cadrée par deux fenêtres). Elle est crépie à l’enduit de chaux et recouverte d’un toit deux pans à tuiles « tige de botte » et présente peu de modénatures (à l’exception de la corniche et des encadrements).
Dans le marais mouillé, le volume principal est plus important. Dans le prolongement de l’habitation les locaux d’exploitation sont composés d’une étable surmontée d’un fenil souvent ouvert et soutenu par de larges piliers de pierre. Parfois un hangar ouvert complète le bâtiment. Les parties non maçonnées sont en général fermées par un bardage vertical de planches de peuplier. La variété vient souvent de la disposition des différents éléments fonctionnels dans la construction. Les locaux d’exploitation sont placés à l’arrière de l’habitation principale mais sous le même toit : ils communiquent directement avec la conche ce qui permet un chargement facile des denrées agricoles. Les annexes peuvent s’abriter sous un prolongement du toit côté conche ou s’accoler au volume principal avec un toit monopente. Au contact du canal, la ferme s’étage ainsi que la pente.

Ferme du marais desséché (source : CAUE 85) en grand format (nouvelle fenêtre)
Ferme du marais desséché (source : CAUE 85)

Ferme du marais mouillé (source : PNR Marais poitevin) en grand format (nouvelle fenêtre)
Ferme du marais mouillé (source : PNR Marais poitevin)



Les nouvelles constructions agricoles : le bâti agricole contemporain présente des volumes beaucoup plus conséquents que le bâti traditionnel et ce pour répondre aux besoins de mécanisation et de stockage croissant des exploitations toujours plus grandes sur le marais. Il présente souvent un aspect industriel avec ses volumes simples et son bardage métallique. Il se caractérise souvent par une emprise au sol importante liée à des besoins en aire de manœuvre.

Bâti traditionnel et bâti d'exploitation contemporain monumental (Sainte-Radegonde-des-Noyers) en grand format (nouvelle fenêtre)
Bâti traditionnel et bâti d’exploitation contemporain monumental (Sainte-Radegonde-des-Noyers)



La maison de bourg  : l’espace des îles support d’urbanisation étant très restreint, la morphologie des maisons de bourg dans le marais est véritablement guidée par l’économie d’espace. Plus étroites et plus hautes que les fermes, souvent mitoyennes, elles s’alignent sur les rues ou sont légèrement décalées (derrière un mur de pierre). Elles s’étagent sur le coteau insulaire exposé au soleil. Les façades isolent souvent un cœur d’îlot occupé par les jardins terrasses et annexes.

Maisons de bourg mitoyennes à l'alignement des rues ou de venelles (Nalliers) en grand format (nouvelle fenêtre)
Maisons de bourg mitoyennes à l’alignement des rues ou de venelles (Nalliers)



La maison bourgeoise : au XIXème, période la plus riche d’exploitation du marais, les maisons bourgeoises apparaissent dans les bourgs. Elles se distinguent par leur volumétrie plus importante, leur couverture majoritairement d’ardoise et leur style souvent ordonnancé néo-classique. La façade présente souvent des modénatures et ornementations qui affichent la réussite du propriétaire. Souvent implantées dans un jardin enclos derrière un mur surmonté d’une grille, ce volume se détache de l’alignement de la rue et devient parfois un repère dans le paysage.

Pour en savoir plus sur comment mieux construire et rénover dans le Marais Poitevin

www.parc-marais-poitevin.fr/