Synthèse générale … à la croisée des perceptions

publié le 11 décembre 2014 (modifié le 4 janvier 2017)



Appréhender les perceptions et représentations des paysages est une démarche qui vise à appréhender le paysage dans la complexité des fonctions qu’il remplit, des usages qui en sont fait et des acteurs qui contribuent à faire ce qu’il est, dans une société en constante mutation. Les paysages sont le reflet des sociétés et de leurs transformations. Aucun paysage n’a à priori de valeur en soi. La valeur esthétique est une donnée subjective qui évolue dans le temps selon les normes de la société à un moment donné, ce qui est particulièrement lisible dans les représentations culturelles des paysages. L’artiste qu’il soit peintre, poète, écrivain, sculpteur (Land Art), photographe, cinéaste … reflète dans son art sa propre perception des paysages mais aussi nécessairement les perceptions sociales du moment.

Par l’analyse de quatre modes de représentations et perceptions des paysages régionaux :

Une identité régionale émerge articulée autour de trois thèmes avec des nuances parfois notables en fonction des angles d’approche :

La force des paysages d’eau :

Des paysages ligériens qui ne sont pas tous reconnus de la même manière

Paysage ligérien à la Daguenière en grand format (nouvelle fenêtre)
Paysage ligérien à la Daguenière

  • Entre Monstsoreau et Chalonnes-sur-Loire, les paysages bénéficient d’une véritable reconnaissance que l’on peut étendre jusqu’au Saumurois : cela se traduit dans la superposition des protections et labellisations sur cette séquence et également dans la reconnaissance à la fois touristique et sociale, notamment sur le sud Loire. C’est véritablement la fin de l’aire des paysages culturels des châteaux de la Loire.
  • Entre Chalonnes-sur-Loire et Nantes, les protections ne se superposent plus et se limitent quasiment aux monuments historiques. Cela se traduit par ailleurs par une plus faible valorisation touristique de ces paysages. Pourtant ils sont très reconnus socialement et ont su émouvoir bon nombre d’artistes de Joachim Du Bellay à William Turner. Cette dernière rencontre entre la Loire et un ancien massif montagneux livre des paysages pittoresques plus que grandioses. Ils se découvrent moins facilement mais n’en sont pas moins mis en scène par les nombreux promontoires naturels ou magnifiés par le bâti (châteaux ouvrant de longues perspectives plongeant sur la Loire, Folies Siffait…)
  • Entre Nantes et l’océan, les paysages de l’estuaire ligérien cultivent les paradoxes : espaces agro-naturels remarquables protégés ou labellisés, ces territoires sont souvent peu connus du fait de leur manque d’accessibilité. On y retrouve des représentations culturelles principalement sur le sud Loire (ce qui correspondait par ailleurs aux anciennes voies commerciales entre Paimboeuf et Nantes via le canal de Basse-Loire entre autre). Ce n’est que très récemment avec les manifestations culturelles du « Voyage à Nantes » que l’ensemble du territoire estuarien a été mis en lumière par les artistes et les actions touristiques ou culturelles. Les participants aux entretiens n’ont pourtant pas ciblé ce secteur comme lieu de fréquentation.

Des vallées qui se distinguent à l’échelle de la région

Quelques vallées du bassin versant de la Loire se distinguent plus particulièrement lorsque l’on croise les différents modes de représentation : La Sèvre Nantaise avec ses coteaux de chaos granitique et son patrimoine italianisant, la Mayenne avec son patrimoine lié à la navigation et son chemin de halage très prisé des riverains, les marais de l’Erdre et le canal de Nantes à Brest pour leur accessibilité et la diversité de leur patrimoine , la Sarthe (plus particulièrement au nord du Mans) et le Loir en amont de la Flèche pour la richesse de son patrimoine.

Les paysages littoraux : sous le soleil face à l’océan

Panorama ensoleillé depuis la corniche vendéenne en grand format (nouvelle fenêtre)
Panorama ensoleillé depuis la corniche vendéenne



Si les paysages littoraux sont extrêmement attractifs et de fait protégés (par la loi littoral notamment), ils présentent tout comme la Loire des variations dans leur reconnaissance. A l’échelle de la région ce sont les plages et côtes rocheuses orientés vers le sud (ou sud-ouest) qui concentrent les représentations culturelles et les citations par les participants à l’enquête. Ainsi la presqu’île du Croisic, associée aux marais de Guérande et de Brière, constitue avec la longue plage de la Baule un des secteurs côtiers les plus attractifs et représentés. De même on retrouve plus fréquemment dans les représentations culturelles et dans les sites les plus pratiqués la côte rocheuse entre Préfailles et Pornic, l’île de Noirmoutier et le littoral jusqu’à St Gilles-Croix-de-Vie, la côte entre les Sables-d’Olonne et La Tranche-sur-Mer. Les secteurs orientés plein ouest ou quasiment au nord sont quant à eux moins présents.

Des paysages urbains véritablement très attractifs :

Les anciens faubourgs de la Doutre vus depuis le château d'Angers en grand format (nouvelle fenêtre)
Les anciens faubourgs de la Doutre vus depuis le château d’Angers



Si les grandes agglomérations présentent de nombreuses protections patrimoniales liées notamment à la richesse de leur bâti ou de leur composition urbaine, on constate que sur ce plan la Roche-sur-Yon se distingue moins que Fontenay-le-Comte (ce qui renvoie à son passé d’ancienne capitale du Bas Poitou). Les paysages urbains se révèlent être attractifs au-delà même de leur patrimoine, par leur rayonnement culturel. Ils constituent le cadre de vie contemporain majeur et composent l’essentiel des paysages du quotidien.
En dehors des grandes agglomérations d’autres villes ressortent particulièrement dans les représentations culturelles et sociales :

  • Saumur bénéficie de sa double attractivité à la fois urbaine patrimoniale et ligérienne
  • les villes littorales ou rétro-littorales de Guérande, Noirmoutiers, Saint-Gilles-Croix-de-Vie et les Sables-d’Olonne
  • Les villes et les bourgs de campagnes se distinguent plus particulièrement sur certains secteurs : à l’appui de la vallée de la Mayenne, du Loir ou de la Sarthe, dans les Alpes Mancelles, les collines du Maine ou de Vendée et l’est de la Sarthe (en amorce du Perche)

Les paysages de campagne :

Ambiance bocagère dans la campagne mayennaise en grand format (nouvelle fenêtre)
Ambiance bocagère dans la campagne mayennaise



Des nuances qui font la diversité des paysages et forgent l’identité de la région

Si les paysages de campagne constituent la toile de fond du territoire régional, ils se distinguent des lieux emblématiques cités précédemment parce que socialement ils renvoient au quotidien à l’usage de proximité ou pour les agriculteurs au lieu de travail. Souvent hors du tourisme de masse ils sont cependant garants par leur structure d’une certaine identité qui renvoie souvent aux anciennes régions historiques qui se métissent pour former les Pays-de-la-Loire.

Il est intéressant de noter que dans l’introduction de l’ouvrage sur les 12 voyages en Région Pays de la Loire, édité par la Région, Hubert MARTIN rappelle que si les Pays-de-la-Loire ont été créés depuis la dernière guerre par la réunion de cinq départements, c’étaient également, et peut-être surtout, quatre anciennes provinces qui se rencontraient. Les Pays-de-la-Loire se trouvent ainsi riches d’un héritage historique, artistique et culturel qui plonge ses racines et trouve ses sources dans le passé – mais aussi dans l’existence toujours actuelle – de l’Anjou, du Maine, de la Bretagne et du Poitou. » Il précise aussi que " cette sorte de métissage culturel de la région, ajouté à la diversité des paysages qui la compose fait tout l’intérêt des Pays-de-la-Loire".

On trouve ainsi sur les anciennes cartes :

  • la Bretagne qui trouve ses limites sur la région par le chapelet de ses châteaux des Marches de Bretagne
  • la Normandie qui descend ses vergers pâturés jusqu’au Maine
  • le Perche qui tisse son bocage sur l’est sarthois
  • la Touraine qui trouve un prolongement de ses ambiances boisées ou viticoles
  • le Saumurois qui s’étire plus au sud
  • le Poitou qui remonte presque jusqu’à la Loire

Ces identités se lisent encore aujourd’hui dans le patrimoine rural et la structuration de l’espace. Si socialement certaines de ces régions historiques ne font plus sens, on retrouve cependant au travers des témoignages des participants à l’enquête la reconnaissance de cette diversité qui fait la richesse des Pays-de-la-Loire. Emblématique des paysages régionaux, le bocage est un terme véritablement polysémique puisqu’il renvoie pour chaque habitant de la région à un paysage différent.

Les grands ensembles forestiers

Ambiance de chemin forestier en Sarthe en grand format (nouvelle fenêtre)
Ambiance de chemin forestier en Sarthe



Même si la région présente un des plus faibles taux de boisement en France, il ressort des entretiens sociologiques que les grandes forêts régionales sont véritablement très attractives. Ainsi ressortent les grandes forêts domaniales de la Sarthe (Perseigne, Bercé, Charnie, Sillé-le-Guillaume), les forêts de Mervent-Vouvant en Vendée et du Mont des Avaloirs en Mayenne.

Pour conclure ce chapitre, rappelons cette citation d’Augustin BERQUE, dans Médiance : « Le paysage est une lecture. Il est une médiation génératrice de lien social parce qu’elle donne à percevoir le sens du monde où nous vivons »