Le bocage : structure paysagère régionale dominante

publié le 11 décembre 2014 (modifié le 7 août 2019)

Ce volet décrit le bocage, une structure végétale emblématique de l’Ouest de la région, la formation du bocage et de ses paysages, le bocage comme un paysage en évolution entre fermeture et ouverture, l’influence de la composition et de l’entretien des haies bocagères sur le paysage et le panel d’usages liés au bocage.


Le bocage, une structure végétale emblématique de l’Ouest de la région

Maillage bocager dans le Nord Mayennais en grand format (nouvelle fenêtre)
Maillage bocager dans le Nord Mayennais



Dans le Grand Ouest, les territoires couverts par le socle cristallin montrent une organisation bocagère de l’espace, liée à l’histoire et aux modes agricoles qui se sont installés sur ces secteurs. En effet, leurs sols souvent lourds et pauvres ont majoritairement été valorisés par des systèmes de polyculture élevage, dans lequel les haies jouaient le rôle de clôture et permettaient de faciliter la rétention d’eau et le maintien des pentes.

De fait, les haies constituent une part importante du couvert végétal de la région, associées à d’autres structures végétales comme les bosquets et les boisements, formant une trame végétale imbriquée et complexe souvent peu lisible depuis les voies environnantes.

Ainsi, le bocage s’implante sur une bonne partie de la Vendée, de la Loire-Atlantique, de la Mayenne et sur la partie Ouest du Maine-et-Loire, dans des proportions et des dispositions diverses dépendantes de la nature du sol et des expositions. On le trouve également dans les vallées où les linéaires structurent les prairies inondables.

La formation du bocage et de ses paysages : synthèse historique

« Le bocage est un paysage totalement confectionné par l’homme. Nous pouvons donc relier son histoire à celle de ce dernier, avec une période d’extension du bocage jusqu’en 1950, suivie par une période de diminution.

L’origine du bocage armoricain remontrait à la protohistoire, certains talus datant de l’âge de fer (-700 à -50 Av J.C.), et correspondraient à des clôtures de champs ouverts disposés autour d’un habitat communautaire.

A partir du XIIIème siècle, une incitation seigneuriale de vocation agricole constituerait une seconde phase d’enclosure pour obtenir un bocage dit « organique ».

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les défrichements importants et l’extension de l’agriculture dans les zones de landes et de forêts ont conduit à la formation d’un bocage dit « d’intercalation » (ce nouveau bocage s’intercale entre l’ancien et les zones de landes et de forêts).

Puis, jusqu’au XXème siècle l’abandon du travail collectif et de la pâture sur les champs ouverts provoque une individualisation de l’habitat et un découpage fin de l’espace : le bocage « de substitution ».

Enfin, à partir de 1950, cette période d’extension du bocage s’inverse par une déstructuration sous l’influence d’une mécanisation accélérée, du productivisme et de l’abandon du métayage et de l’assouplissement des baux de fermage (Jégat R 1994 ; Vest 1998). L’élément concret de cette déstructuration est le remembrement qui a conduit à l’arrachage de milliers de kilomètres de haies.

A partir des années 90, le linéaire semble se stabiliser, avec l’apparition de nouveaux enjeux. »

(Source : Thématique des complexes bocagers : haies, mares, prairies - état des lieux et bilan des connaissances, Région des Pays de la Loire et Fédération Régionale des Chasseurs des Pays de la Loire, Mars 2008)

La trame bocagère autour de Saint-Macaire-en-Mauges en grand format (nouvelle fenêtre)
La trame bocagère autour de Saint-Macaire-en-Mauges

Le bocage, un paysage en évolution entre fermeture et ouverture

L’évolution des techniques agricoles, les changements de vocation des parcelles et leur agrandissement sous l’effet des remembrements ont généré une mutation de ces types de paysage, qui tend vers la diminution du réseau bocager. La haie et l’arbre sont en outre des structures qui ont perdu en utilité au regard des nouveaux modes de vie et de consommation : production de petit bois, bois d’œuvre, fruitiers, voire même la dimension symbolique de la plantation d’un arbre… ce qui se traduit indirectement dans le paysage par leur non renouvellement.

Haies dégradées du plateau d'Ancenis en grand format (nouvelle fenêtre)
Haies dégradées du plateau d’Ancenis



Il en résulte une ouverture des paysages depuis quelques décennies, par un phénomène de disparition des haies avec des vues de plus en plus lointaines et l’apparition de certaines covisibilités entre bourgs autrefois inexistantes.

En parallèle, les milieux les moins accessibles ou ceux qui sont soumis à la pression urbaine aux abords des bourgs s’embroussaillent et retrouvent sur certains secteurs un couvert de landes qui tend à évoluer vers un boisement.

Paysage broussailleux de landes en grand format (nouvelle fenêtre)
Paysage broussailleux de landes



A noter : quelques vestiges de landes se trouvent aussi dans les secteurs les plus agronomiquement pauvres de la région, essentiellement concentrées sur les bases cristallines du massif armoricain, valorisées parfois par le biais d’itinéraires de découvertes, comme les landes des Egoutelles à Villepail (53). Composées de bruyère et d’ajoncs, des formations se développement également sur les friches (remblais, délaissés agricoles).

Des actions en faveur du bocage sont toutefois menées afin de maintenir, de conforter et de renouveler les haies. Replantations, réflexion sur les trames, intégration du bâti sont autant d’opérations qui visent à intégrer la dimension paysagère du bocage et à inverser les tendances en cours, tout en composant avec les systèmes agraires en place. Il y a donc émergence sur certains secteurs d’un nouveau système bocager, plus ample, mais dont le confortement pourrait à terme partiellement refermer le paysage.

Influence de la composition et de l’entretien des haies bocagères sur le paysage

Parcelles bocagères parfaitement rectilignes en Vendée en grand format (nouvelle fenêtre)
Parcelles bocagères parfaitement rectilignes en Vendée

Variétés d'espèces dans le bocage rétro-littoral vendéen en grand format (nouvelle fenêtre)
Variétés d’espèces dans le bocage rétro-littoral vendéen



La nature des végétaux composants les haies bocagères influe également sur la perception du paysage. Les espèces dépendent de la nature du sol et des conditions climatiques, ainsi que de l’influence de l’homme tant sur les modes de taille que sur les plantations réalisées. Ainsi, dans la région, les haies sont constituées de chêne pédonculé, de châtaignier, de hêtre, de frêne, de noisetier, de houx, de genêt, d’ajonc, de fusain, d’ormes, de pins… Historiquement, de nombreux fruitiers sont présents dans les haies. Ceux-ci tendent cependant à régresser.

Quelques exemples de typologies de haies induisent divers effets dans le paysage, des compositions les plus fermées (en haut) aux plus ouvertes (en bas) en grand format (nouvelle fenêtre)
Quelques exemples de typologies de haies induisent divers effets dans le paysage, des compositions les plus fermées (en haut) aux plus ouvertes (en bas)



Les haies se répartissent en différentes structures selon leur mode de conduite, elles définissent ainsi différentes typologies de paysage. Les haies à trois strates caractérisent des paysages fermés, au contraire des haies vieillissantes où ne subsistent que des lignes d’arbres espacés, qui permettent d’avoir une grande profondeur de champ. Entre ces deux extrêmes, une multitude de variantes est possible, tel que les haies basses contenant des sujets arborés ou des haies buissonnantes taillées de manière drastique.

Taille caractéristique en têtards en Mayenne en grand format (nouvelle fenêtre)
Taille caractéristique en têtards en Mayenne



Des tailles caractéristiques (végétaux remontés dans les champs de culture et pâtures, arbres têtards…) engendrent des silhouettes très graphiques qui attirent le regard et participent à singulariser le paysage observé. Dans la vallée de la Loire, les frênes têtards constituent un motif caractéristique témoignant des pratiques culturelles en vigueur : les femmes étant chargées de la récolte du bois et donc de la taille des arbres, les frênes étaient conduits à hauteur de bras ce qui explique leur petite hauteur. Les mêmes modes de conduites se retrouvent dans le Marais poitevin, les arbres formant des moignons de petites branches. Dans les Mauges, en Vendée et en Mayenne, le tire-sève est plus fréquemment rencontré (maintien d’une petite branche destinée à maintenir la circulation de la sève), tandis que la ragosse marque les paysages sous influence de la Bretagne, notamment en Mayenne et Loire-Atlantique.

Ainsi, les têtards marquent une forme identitaire des paysages régionaux qui participent à différencier localement les territoires selon le type de gestion mené, qui renvoie généralement à la tradition et à la culture.

Si la mécanisation tend à homogénéiser les modes de gestion et de taille des haies, les pratiques traditionnelles semblent aujourd’hui de nouveau praiquées pour alimenter notamment les filières bois ou dans les périmètres des parcs naturels régionaux.

Les paysages de bocage, un panel d’usage et de fonctions

Installées le plus souvent en limite de parcelles ou au bord des voies, les haies jouent de nombreux rôles : recueil et purification de l’eau, limitation de l’érosion du sol, production de petit bois, accueil et circulation de la biodiversité, délimitation des prairies… Elles sont souvent couplées à un talus. Ce rôle d’habitat et de vecteur de déplacements pour la faune (oiseaux, rongeurs, insectes…) constitue un enjeu écologique majeur de cette ossature végétale et explique le statut particulier de ce réseau de haies dans la préservation de la trame verte et bleue régionale. Ces dernières assurent souvent les liens entre des biotopes et milieux naturels d’intérêt majeurs (mares et étangs, bois et forêts, landes…)

Chemin creux bordé de haies propice à la randonnée en grand format (nouvelle fenêtre)
Chemin creux bordé de haies propice à la randonnée



Outre ce rôle « technique », les haies et les paysages de bocage en général offrent un cadre de vie perçu comme naturel, qui se trouve donc être propice aux activités de loisirs de plein air, telles que la randonnée ou le vélo, et au tourisme pittoresque (gîtes, camps…).

La trame bocagère avec toutes ses diversités graphiques et paysagères constitue enfin un registre paysager essentiel facilitant l’intégration des projets qu’ils soient au cœur de l’espace agricole (bâtiments d’exploitation, infrastructures…) ou aux franges des bourgs et agglomérations pour intégrer les extensions résidentielles, des zones d’activités économiques… Elle permet par ailleurs de créer des liens verts entre zone urbaine et espace rural.