Les caractères des plaines d’Alençon et du saosnois
Un paysage aux ondulations amples interrompues par les cuestas
Une frange du Bassin Parisien marquée par une série de cuestas
La couverture jurassique du Bassin Parisien adossée au massif de Perseigne présente une structure générale de pente homogène qui a favorisé le dégagement d’une série de trois cuestas orientées sud sud-ouest/nord nord-est et s’abaissant vers l’Ouest :
- La cuesta de Livet-en-Saosnois—Saint-Rémy-du-Val—Villaines-la-Carelle (altitude de + 160 à + 220 m) est constituée par des calcaires ; elle surplombe la dépression des schistes précambriens de Perseigne de 40 à 50 mètres
- La cuesta de Rouessé-Fontaine—Montrenault (altitude de + 130 à 160 m) est déterminée par des calcaires et des marnes-calcaires ; elle domine les plateaux de Louvigny et de Saint-Rémy de 30 à 40 mètres
- La cuesta de Dangeul—butte du Teil-Monhoudou (altitude de + 90 à + 138 m) coïncide avec des sables et des calcaires gréseux et divise le secteur du Marollais en deux plateaux, de Courgains et de Marolles-les-Braults, décalés d’une trentaine de mètres
Source : Notice de la carte géologique au 1/50000ème de Fresnay-sur-Sarthe
Ces cuestas sont clairement lisibles dans le paysage : elles dessinent des lignes de coteaux orientés. Elles découpent des plans successifs devant les horizons des crêtes forestières décrites dans les limites de l’unité paysagère.
Un relief aux ondulations amples où l’eau est rare
Entre ces grandes lignes de structure marquée, le relief présente des ondulations amples et souples voir devient quasi plan dans le sillage de l’Orne-Saosnoise. Dans ce paysage ouvert cela induit des dynamiques visuelles de grands panoramas depuis la plaine ou vues en belvédères depuis les cuestas, avec à chaque fois une très grande profondeur de champ.
L’éloignement de l’horizon donne une impression de démesure.
Ces plaines calcaires, le plus souvent perméables à l’eau, présentent un réseau hydrographique peu ramifié qui dans le secteur nord de l’unité peut même présenter de nombreuses vallées sèches. L’eau est plus rare sur ces plaines et conditionne de fait l’organisation du végétal et du bâti dans le paysage.
Des vallées dissymétriques qui s’appuient sur les cuestas
Les principales vallées s’organisent donc le long des cuestas développant souvent un chevelu hydrographique accompagné d’aménagement de fossés et petits canaux permettant de drainer le large pied de coteau quasi horizontal.
Le profil de ces vallées configuré par la morphologie de la cuesta est complètement dissymétrique : au nord le revers de cuesta descend en pente douce jusqu’au fond de vallon quasi-horizontal. Au sud le front de cuesta marque un coteau très pentu qui signale à lui seul la vallée. La perception du paysage est donc très différente suivant le sens dans lequel on l’observe : en regardant vers le nord les pentes douces des revers de cuestas semblent s’enchainer et on perçoit une plaine faiblement ondulée.
En regardant vers le sud, les différents fronts de cuestas se découpent sur l’horizon en autant de plans successifs, donnant l’impression d’un relief très mouvementé. Cette impression est d’autant plus marquée que ces coteaux sont la plupart du temps à l’ombre du fait de leur exposition au nord.
Un paysage de grandes cultures animé par les traces d’un ancien bocage
Un ancien bocage de polyculture élevage
Sur ses terrains jurassiques, le Saosnois bénéficie de sols riches argilo-calcaires et de conditions climatiques relativement humides qui lui assurent des conditions agronomiques très favorables. Ainsi cette zone nord du département de la Sarthe a été et reste encore un secteur d’élevage et un terroir important de cultures : chanvre (important patrimoine de fours à chanvre et musée du chanvre à Mamers), betterave et céréales ont tenu une place importante dans l’économie locale. Si les rivières sont plus rares que dans le reste du département de la Sarthe, elles n’en sont pas moins importantes pour le paysage de bocage qui les accompagne. Dans les fonds plats des vallées, les cours d’eau se démultiplient et irriguent des prairies bien grasses qui ont fait de ces plaines un riche territoire mêlant très tôt polyculture et élevage, composant des paysages bocagers très riches de leur diversité (cultures, élevages, vergers…). Cette trame subsiste encore dans les fonds de vallée où elle est refermée ponctuellement par de petites peupleraies.
Une vaste mosaïque de grandes cultures
Aujourd’hui, ce sont les céréales (blé, maïs…) et les oléo-protéagineux qui dominent et composent un vaste damier irrégulier dont les couleurs varient au gré des saisons. Les remembrements successifs et les évolutions des techniques culturales ont progressivement fait disparaître les haies le long des fossés, ne laissant que quelques arbres alignés ou isolés au milieu des champs. Liés à ce paysage ouvert de grandes cultures, les infrastructures et bâtiments agricoles monumentaux (silos, hangars, rampes d’arrosage…) constituent des repères forts qui se détachent sur l’horizon.
Des cordons bocagers qui ourlent les rivières et habillent les revers de cuesta
La trame arborée et présente quasi exclusivement en accompagnement de l’eau et des plus fortes pentes. Ainsi on observe un véritable contraste entre les plaines cultivées ouvertes et les fonds de vallons bocagers qui accompagnent les fonds de vallées. Ces lignes boisées (et même boisements sur les pentes les plus fortes) ou haies horizontales se déclinent sur le front de cuesta et s’étagent sur les coteaux. Elles se retournent le long des pentes de vallées sèches.
Un gradient bocager et des trames arborées qui animent la plaine
Le réseau hydrographique de l’Orne Saosnoise se déploie sur le revers de la Cuesta de Dangeul et de la butte de Monhoudou avec un réseau de petits ruisseaux organisés en peigne. Cette trame hydraulique organise un véritable gradient bocager lisible entre la maille dense de haies sur le fuseau hydrographique de l’Orne Saosnoise et les zones de cultures ouvertes au nord. Ainsi le bocage de saules et frênes taillés en têtards et soulignés de peupleraies de la plaine alluviale de l’Orne Saosnoise laisse progressivement place vers le nord aux ponctuations végétales (arbres isolés, anciennes haies) qui animent les vues très ouvertes de la plaine.
On retrouve sensiblement le même gradient bocager du sud vers le nord (mais avec une maille plus distendue) à l’appui de la vallée de la Bienne et de ses affluents.
Deux logiques d’implantation bâties héritées des pratiques agricoles
Un habitat rural qui compose avec le paysage
Source architectures rurales en Sarthe (CAUE 72)
Rompant avec le schéma classique des fermes Sarthois organisées en L ou en U, les exploitations de la plaine se composent d’un bâtiment en enfilade où sont regroupées l’ensemble des fonctions agricoles : granges, étable, remise et cellier, porcherie… sont juxtaposées autour d’un logis généralement au centre de l’édifice. La cour se trouve au sud de cet ensemble parfois imposant. Elle peut ouvrir sur un jardin potager, souvent adossé d’un verger longeant la rivière. L’ensemble s’abrite des vents de la plaine dans la trame bocagère des vallées ou des haies qui structurent les pentes des coteaux.
Les matériaux utilisés sont ceux du cru et offrent une large diversité : moellons (calcaires de Villaines-la-Carelle, roussard au sud-ouest, granit ou schistes de Perseigne…) grossiers pour les murs et appareillage soignés pour les harpes d’angle ou les encadrements. Le bois pour les charpentes et les structures à colombage des murs. Les enduits clairs, parfois chaulés, mais aussi la brique sur certains pans de mur peuvent provoquer de séduisants contrastes de couleurs. Si la tuile plate est dominante on peut trouver sur les demeures bourgeoises ou nobles et les édifices religieux de l’ardoise.
Un riche patrimoine bâti qui renvoie à l’économie rurale florissante ancienne de ce territoire
Source architectures rurales en Sarthe – La plaine d’Alençon (CAUE de Sarthe)
« Les habitations des bourgs reflètent les activités économiques de la région. Les petites maisons de sabotiers, de bûcherons rappellent le poids économique du bois dans la forêt de Perseigne toute proche. Les maisons de tisserands, liées à l’économie agricole du chanvre, donnent aux villages un caractère typique. Surélevées sur l’atelier à l’entresol, leur façade s’enrichit d’un fort escalier permettant d’accéder au rez-de-chaussée de l’habitation ».
Le paysage est également marqué par un important patrimoine religieux dont les plus marquants, le Prieuré de Mayanne, et l’abbaye cistercienne de Perseigne, qui ont contribué à gérer largement le territoire en structurant notamment la production agricole (l’abbaye de Perseigne fonctionnait sur le mode du faire-valoir direct et avait organisé un véritable réseau de granges sur le territoire).
De même, le logis et châteaux souvent entourés de douves et de canaux ponctuent encore les paysages de la plaine. Leur implantation historique à proximité de l’eau les intègre aujourd’hui dans la trame bocagère des vallées ce qui les rend particulièrement discrets depuis la plaine.
Dans les bourgs, ce sont les places de marché et les halles, souvent très anciennes comme à René (XVIème siècle), qui témoignent de la richesse de l’économie agricole du territoire.
Un habitat groupé et compact sur les plaines ouvertes du nord et diffus au sud
Sur les grandes cuestas du nord de l’unité, l’habitat se structure de manière plus compacte en bourgs et villages étagés à l’appui des points d’eau sur les plaines cultivées du nord. Profitant de l’abri naturel des vallées et de la trame bocagère, les villages se succèdent sur les ruisseaux et cours d’eau du bassin versant de la Bienne.
S’appuyant sur les reliefs, les bourgs et de leur riche patrimoine sont véritablement mis en scène bénéficiant de jeux d’étagement et de vues plongeantes ou en contre-plongée. Véritable centre urbain à l’articulation des plaines d’Alençon et du Saosnois et du perche, Mamers répond à cette logique d’implantation et constitue avec son riche patrimoine un paysage urbain véritablement identitaire de cette unité paysagère.
Beaucoup plus bocager, le bassin du Saosnois présente un habitat traditionnellement diffus. Héritage d’une structuration du paysage par un bocage lié à la polyculture élevage, l’implantation des fermes se fait au cœur des petites unités d’exploitation. Les bourgs restent quant à eux très liés à la proximité des rivières et ruisseaux, qu’ils valorisent au travers des jardins et anciens lavoirs implantés à proximités des franchissements de la rivière.
Des infrastructures qui marquent le paysage et jouent avec sa large échelle
Le réseau routier est relativement développé sur la plaine et offre des points de vue variés de ces paysages. La trame viaire principale s’articule sur les cuestas offrant des « routes panoramiques » sur les crêtes et des itinéraires de découverte reliant les bourgs dans les vallées. Les nombreux chemins ruraux sont le support de sentiers de randonnée variés.
Même si ce point est plus développé dans le cadre de l’analyse des dynamiques de paysage, la présence des grandes infrastructures est un élément marquant de ce paysage. Ainsi l’ancienne nationale RD338 qui reliait le Mans à Alençon constituait un axe fort de desserte et de développement à l’ouest des plaines. Elle est aujourd’hui doublée par l’autoroute A28 qui marque fortement le paysage notamment à la traversée des cuestas. A l’appui de ces infrastructures se sont développées des zones d’activités (largement aménagées et très partiellement occupées).
Les infrastructures de productions et de transport d’énergie sont également très présentes dans le paysage ouvert des plaines du nord. Les lignes électriques haute-tension ainsi que le parc éolien de Juillé constituent des repères verticaux forts sur la plaine cultivée.
Pour aller plus loin sur le patrimoine culturel et naturel
Patrimoine culturel :
- Consulter l’article Les paysages institutionnalisés
- Consulter la rubrique "Sites et paysages" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Consulter l’Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture
- Consulter les Bases Architecture et Patrimoine du Ministère de la Culture
Patrimoine naturel :
- Consulter la rubrique "Patrimoine naturel" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Trame verte et bleue : consulter le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) des Pays de la Loire
Sources bibliographiques
- CAUE de la Sarthe. Architectures rurales en Sarthe, Champagne mancelle. 1991.
- CERESA. Atlas des paysages de la Sarthe. Conseil Général de la Sarthe, DDE de la Sarthe, DIREN Pays de la Loire, 2005.
- JUIGNET P., LEBERT A., LE GALL J., MARY G. Notice explicative de la carte géologique (1/50 000), feuille BEAUMONT-SUR-SARTHE (322). BRGM, Orléans, 1989.
- P. JUIGNET, A. LEBERT, J. LE GALL. Notice explicative de la carte géologique (1/50 000), feuille FRESNAY-SUR-SARTHE (1717). BRGM Orléans, 1984.