Les caractères des bocages vendéens et maugeois
Un socle cristallin érodé qui favorise un paysage d’alternance
Cette unité paysagère s’appuie quasi-exclusivement sur le Massif Armoricain. On y trouve les sols les plus anciens du secteur,essentiellement des schistes, gneiss et du granite. Mines et carrières ont suivi les veines de cette formation géologique pour en extraire l’or à St-Pierre Montlimart, le fer dans la région de la Ferrière, le granit dans les carrières de St-André de la Marche ou de la Tourlandry, l’uranium à Roussay et St Crespin-sur-Moine, les argiles du Fuilet, Aizenay, Vezins…
Modelé en creux par le réseau hydrographique, ce socle de roches dures joue de l’alternance qui existe toujours entre les creux des vallons et les hauts de plateaux, c’est-à-dire entre d’une part une échelle intime liée au caractère fermé du paysage et d’autre part une échelle monumentale en corrélation avec une ouverture sur de larges panoramas. Cette alternance physique et visuelle oblige à un changement permanent d’échelle, quel que soit le parcours que l’on emprunte pour traverser l’unité.
Cette alternance est également renforcée par la présence ou non de bocage sur les plateaux.
Les plateaux, quand ils conservent du bocage, se caractérisent par un paysage relativement fermé, non orienté où l’échelle de perception est réduite et dans lesquels il est difficile de se situer dans l’espace.
Les plateaux sans bocage se caractérisent par un espace faiblement ondulé et ouvert. La composition de l’espace en plans successifs est faible ou inexistante, ce qui procure une sensation de vide.
La colline des Gardes : promontoire singulier dans l’unité
S’appuyant sur une remontée granitique du socle rocheux, la colline des Gardes (sud Chemillé – ouest de Vihiers) semble s’être « décrochée » de l’ensemble constitué des collines vendéennes. Isolée au coeur de la pénéplaine du plateau maugeois, elle constitue un point d’observation panoramique spectaculaire qui permet d’apprécier les paysages de l’unité.
Des vallées encaissées et sinueuses
La dureté de la roche (grès, schistes et granites) a imposé à l’eau un creusement vertical d’où un encaissement très important des vallées qui sont, en général, peu larges avec très souvent des escarpements rocheux. Les vallées, profondément encaissées et sinueuses, s’apparentent parfois à des ambiances de petite montagne avec des impressions de torrents qui serpentent dans un chaos rocheux de blocs granitiques appelés localement « chirons ».
Souvent masquée par sa ripisylve de saules, noisetiers, aulnes et frênes, la rivière serpente dans un fond de vallée prairial souvent étroit, ce qui lui donne un caractère mystérieux. Cette souplesse des vallées contraste parfois de façon violente avec les affleurements rocheux verticaux aux angles aigus et aux textures dures.
Ces vallées empruntent les principales failles qui découpent les roches dures du socle ancien. C’est pourquoi elles prennent préférentiellement la direction armoricaine nord-ouest/sud-est ou les petites failles de cisaillement nord/sud comme l’Evre, la Moine, la Sèvre Nantaise, la Maine ou la Boulogne. A l’ouest, les principales vallées s’orientent sur la direction cadomienne est/ouest qui caractérise les paysages rétro-littoraux (vallée de la Vie et du Jaunay).
Les vallées sont par ailleurs ponctuées d’un patrimoine spécifique de gués, chaussées, moulins et lavoirs qui caractérisent ces paysages.
Des paysages bocagers marqués par une forte tradition de polyculture élevage
Les Mauges et le quart nord-ouest de la Vendée font partie des grands secteurs d’élevage non seulement de la région mais aussi de l’ouest. Si l’élevage bovin prédomine traditionnellement, les autres types d’élevages (volailler, porcin et cuniculicole) notamment hors sol sont également très présents sur ces secteurs.
Cet élevage se fait en parallèle de la production de maïs fourrager et de l’extension des prairies temporaires et artificielles. Cela se traduit également par la présence forte dans le paysage de tous les bâtiments industriels liés à la transformation agro-alimentaire de ces produits à la fois d’élevage et de cultures.
Cette activité se révèle au travers de la structure paysagère anthropique du bocage avec l’évolution du maillage des haies en fonction des besoins générés par les nouvelles techniques, mais aussi de l’évolution des structures d’accueil, de l’élevage de plein air avec granges traditionnelles vers le développement des longues stabulations métalliques, et des bâtiments d’élevage hors-sol.
Une adaptation au relief du bocage et de l’occupation du sol
L’ondulation des plateaux dessine des lignes courbes très douces, soulignées par quelques lignes bocagères sinueuses qui présentent un graphisme particulier lié à la conduite traditionnelle des arbres en têtard. Les arbres des haies offrent une silhouette tout à fait identitaire liée à leur mode de gestion : taille de la totalité des branches sauf une sur laquelle se réorganise l’architecture de l’arbre. Parfois, localement très dense, c’est véritablement la trame bocagère avec son réseau de chemins creux parfois labyrinthique menant à des hameaux isolés qui caractérise la structure de cette unité.
L’ossature géographique et géologique a imposé à l’homme d’importantes contraintes dont il a su tirer parti en spécialisant les espaces :
- les plateaux présentant les bonnes terres accueillent les cultures fourragères et céréalières ; la trame bocagère y a été souvent ouverte voir supprimée suite aux remembrements ou pour les besoins de la mécanisation des cultures. Ce sont les vieux chênes des anciennes haies qui subsistent et ponctuent le paysage ouvert du plateau. C’est à la charnière des vallées et du plateau que l’on retrouve les principales implantations de hameaux
- les fonds de vallées et les pentes les plus douces accueillent les prairies naturelles encadrées par un réseau encore dense de haies bocagères aux essences adaptées à l’eau qui se distinguent du bocage du plateau. On y retrouve ainsi les noisetiers, aulnes (localement appelés vergnes), saules, frênes et quelques ormes qui ont survécu à la graphiose (on les retrouve fréquemment dans la toponymie : ormeaux…)
- les pentes abruptes sont généralement boisées et laissent parfois apparaître des aplombs rocheux
Cet étagement de l’occupation du sol renforce les contrastes de ce paysage entre les ambiances de pénéplaine ouverte et cultivée du plateau et les vallées fermées encore bocagères.
Une unité architecturale qui utilise les matériaux locaux
L’unité architecturale et texturale est donnée par des formes bâties rurales traditionnelles homogènes, des formes urbaines équivalentes sur l’ensemble du territoire (aussi bien au niveau des fermes que des bourgs), une palette de matériaux réduite (gneiss, schiste, tuiles majoritairement, avec en encadrements des ouvertures en granite ou briques) définissant une palette chromatique contrastée et chaude.
L’unité paysagère des bocages vendéens et maugeois est aussi une unité architecturale qui s’appuie sur une palette chromatique et texturale homogène : association de granits (fondations et encadrements), schistes (gros-oeuvre) et briques (ornement). Dominance de la tuile (toitures) en tige de botte au niveau de l’habitat rural dispersé et des maisons de bourg avec ponctuellement de l’ardoise au sein des bourgs (maisons bourgeoises et églises). Cependant, on observe au niveau des lisères des influences architecturales qui induisent quelques variations (modification de la proportion des matériaux) :
- au nord, influence ligérienne : Proportion équilibrée entre toitures de tuiles et d’ardoises, ornementation des façades avec du tuffeau en association plus ou moins importante avec le schiste,
- à l’est, influence du secteur Layon-Lys-Aubance : Dominance du schiste et de la tuile canal,
- au sud-ouest, influence rétro-littorale et maraîchine avec des petits volumes habitables et murs enduits chaulés en blanc,
- au nord-ouest, influence du bâti vigneron (présence de chais dans les dépendances),
- autours des vallées de la Sèvre Nantaise et de la Moine : influence clissonnaise avec éléments italianisants de type rural toscan dans l’architecture rurale et industrielle.
Bourgs, clochers et bâtiments industriels, repères majeures sur les plateaux
Si les restes de maille bocagère et l’habitat diffus contribuent à donner une organisation labyrinthique au paysage, les bocages vendéens et maugeois comptent trois grands types de points de repères, qui facilitent la lecture paysagère : les bourgs, les clochers et les bâtiments industriels. L’importance des relations visuelles et des covisibilités est ainsi accrue par la multitude de points de repères qui ponctuent et animent le paysage. Ils constituent, par ailleurs des repères culturels, sociaux et économiques.
Les bourgs et clochers
Les églises « récentes » pointent au loin et dominent la silhouette des bourgs. Les clochers élancés, en ardoises ou en pierres, s’élèvent toujours plus hauts… c’est le résultat de la guerre des clochers. Les Guerres de Vendée très actives dans ce secteur de la région ont conduit à la destruction de très nombreuses églises reconstruites après 1800 avec une véritable guerre des clochers : une volonté d’afficher de très loin non seulement la présence du bourg mais aussi sa ferveur catholique. Les nombreuses destructions durant les guerres de Vendée n’ont également épargné que très peu de patrimoine bâti remarquable ante XIXème siècle.
L’urbanisation des bourgs s’étage sur les pentes. Leur silhouette est caractérisée par les toits de tuiles aux couleurs chaudes, ponctuée par quelques toitures d’ardoises (maisons de maître par exemple). Chaque village a une structure urbaine très organisée et structurée qui lui donne une ambiance de petite ville avec plusieurs places cernées de maisons à étages…
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Les bâtiments industriels
La silhouette des bourgs est souvent accompagnée en lisière par les volumes imposants et massifs des bâtiments industriels révélant le dynamisme économique très fort de ce secteur. Ces volumes massifs aux couleurs claires contrastent souvent avec la vaste palette des verts qui caractérise le paysage rural de l’unité. Comme le montre le volet dynamique des paysages sur l’unité, ces usines connaissent plusieurs essors et donc époques de construction et localisation dans le bourg. On est là véritablement au cœur du modèle traditionnel qui perdure de « l’usine à la campagne » :
- C’est dès l’ancien régime qu’apparaissent les ateliers de tisserands dans les caves semi enterrée (pour récupérer la lumière naturelle par un soupirail) des maisons de bourgs et de certaines fermes,
- Fin XIXe, les métiers à tisser deviennent plus volumineux et ne permettent plus une activité chez soi. De nouveaux locaux doivent être construits pour accueillir métiers et ouvriers : c’est le début des usines,
- Entre 1875 et 1880, apparition timide de la chaussure à Saint-Macaire-en-Mauges sous l’initiative d’un prêtre pour se développer ensuite dans le nord Vendée et dans le Bressuirais. De la « savate » initiale en tissu et en feutre à la chaussure en cuir, le développement industriel est important entre 1900 et 1914,
- La première guerre mondiale favorise le développement de cette activité (fourniture de chaussures aux soldats). De la savate à la chaussure bon marché puis à la chaussure de qualité, la fameuse « nébuleuse » des Mauges organisée autour du choletais est née,
- Depuis plusieurs décennies, le relais est pris par la confection et le prêt à porter. Un certain nombre de grandes marques sont nées et toujours implantées dans le Choletais. En témoignent les nombreux volumes géométriques des industries au cœur et en lisière de bourgs.
Le bâti rural comme points de repère secondaires
L’habitat rural et les moulins
La maison rurale se caractérise par sa taille modeste et ses volumes trapus. Elle est constituée d’un volume simple sur deux niveaux avec un toit couvert de tuiles « tige de bottes ». Cette maison rustique est parfois isolée mais se trouve surtout dans les villages où elle représente souvent le bâti le plus ancien. Le charme de cette architecture vient donc de sa simplicité et d’un usage harmonieux des matériaux et couleurs. Le rythme des percements asymétriques ponctue la façade.
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L’habitat rural utilise toute une palette de teintes chaudes des matériaux locaux (gneiss, granit, schiste et tuiles avec encadrement des ouvertures et ornementation des corniches en briques ou granit) qui lui confère un fort impact chromatique : touches d’ocres rouges des toitures qui se détachent sur les fonds verdoyants et dont l’impact est renforcé par une importante densité : Les fermes sont nombreuses et relativement proches les unes des autres.
Le bocage est ponctué de nombreuses exploitations agricoles de type métairie, tournées vers la polyculture et l’élevage. Elles se regroupent sous forme de hameaux et de villages. Cette dispersion permet la proximité entre l’exploitation et les lieux de travail. Les fermes anciennes sont souvent constituées d’un corps d’habitation soit flanqué d’appentis, soit enserré de petits bâtis non accolés aux volumes et de formes très variées, comme la soue à cochons, le poulailler, le four à pain, la réserve, le préau… Le découpage soigné des volumes bâtis du village encadre la cour de la ferme et renvoie à l’organisation urbaine groupée autour des places des bourgs.
Le paysage est par ailleurs marqué par de nombreux petits manoirs et châteaux médiévaux témoignant de l’histoire de ce secteur de marche entre Poitou et Anjou.
Sur le plateau et les points hauts dominent les silhouettes caractéristiques des moulins tours dont bon nombre ont été restaurés. Outre leur ancienne fonction de transformation, ces moulins gardent une importance culturelle forte dans la mesure où ils servaient de moyen de communication durant les guerres de Vendée.
Des granges traditionnelles aux bâtiments d’élevage contemporains
La grange assure les fonctions de stockage et d’accueil des animaux. De volume souvent plus important que celui de l’habitation, la grange-étable, présente dans toute la Vendée et les Mauges, se caractérise par deux petites portes pour le bétail et les hommes encadrant un haut portail central pour les charrettes. Deux formes se distinguent : la grange sans nef avec son toit à deux pans, la grange avec nef dont la partie centrale est surélevée.
De nombreuses annexes (réserves, appentis, granges, chaix…) complètent ce bâtiment pour assurer le bon fonctionnement de la ferme.
De nombreux bâtiments d’élevage hors sol accompagnent aujourd’hui les fermes et granges traditionnelles : volumes allongés de couleur claire et de texture brillante annoncés par les colonnes plus hautes des silos. Très nombreux, ils participent de façon majeure au paysage et soulignent le dynamisme agricole de ce secteur. Leur impact visuel est d’autant plus fort qu’ils sont perçus de profil (impact visuel moindre de face), et qu’ils sont implantés sur des points hauts.
Le petit patrimoine vernaculaire et les boisements comme points de repère tertiaires
Les calvaires et croix de chemins
Chapelles, croix de mission, calvaires, croix de chemins…. jalonnent le territoire. Leur nombre, leur mise en scène et l’entretien qui leur est prodigué, témoignent de la ferveur catholique caractéristique des Mauges et de la Vendée. La religion catholique a une très grande importance dans ce secteur, tant au niveau de l’histoire (fidélité des paroissiens aux prêtres lors des périodes troublées de la révolution notamment) que de la vie sociale actuelle (importance des écoles privées dans les villages…).
Des bois et forêts en association avec des villages potiers
Aujourd’hui très peu boisé, le territoire de l’unité a vu une nette régression des forêts au fil de l’histoire au profit du bocage comme en témoigne la toponymie (les Essarts par exemple : l’essartage consistait à couper les boisements pour conquérir des terres cultivables). Quelques-unes s’insèrent cependant dans le bocage : la forêt d’Aizenay, les forêts domaniales du Bocage Vendéen (morcelée en trois grands secteurs), de l’Herbergement, et de Gralas (qui joua un rôle important de refuge pendant les Guerres de Vendée) et la forêt de Vezins au sud des Mauges.
Ces ensembles forestiers, aux ambiances fermées singulières, sont constitués essentiellement de feuillus tels que chênes et charmes. On retrouve ponctuellement des secteurs plantés de pins ou de douglas. Les ambiances jouent également sur les couleurs et les textures du perchis de châtaigniers qui présente un sous-bois de mousses et fougères. Assurant la production de bois d’oeuvre, ces ensembles forestiers ont par ailleurs un rôle attractif tant pour les habitants des agglomérations proches que pour les touristes de passage. De plus des petits boisements jalonnent le territoire et participent à la diversité des ambiances du bocage.
Les poteries et briqueteries sont très étroitement associées à la proximité de ces boisements caractéristiques des terres argileuses impropres à la culture sur le plateau. Elles profitent par ailleurs du bois disponible, utilisé comme combustible dans les fours de cuisson. Reconnaissables à leur architecture et en particulier aux matériaux qui reflètent leur activité, elles fabriquaient tuiles et briques à partir de l’argile du sous-sol.
Des Lacs étroits qui inondent les vallées
Sur les vallées étroites les retenues d’eau ont été relativement faciles à mettre en oeuvre c’est pourquoi on retrouve de nombreux étangs mais aussi des lacs plus importants (ressource en eau ou énergétique) qui s’étirent dans le fond de vallée.
Entre Cholet et Maulévrier, la vallée de La Moine, coupée par deux barrages à vocation hydroélectrique est envahie par l’eau, offrant un visage tout à fait particulier et non traditionnel. Les plans d’eau de Ribou et du Verdon occultent le relief identitaire de la vallée. Ils ont une vocation touristique affirmée et présentent un patrimoine naturel reconnu (réserve ornithologique notamment).
Plus au sud la réserve d’eau de la Bultière fait gonfler artificiellement les eaux de la Grande Maine. Au Nord de la Roche-sur-Yon, la retenue d’eau potable de Moulin Papon inonde la vallée de l’Yon et constitue un support privilégié de loisirs péri-urbains. A la charnière ouest de l’unité, le lac de la retenue d’eau potable d’Apremont s’étire jusqu’au nord d’Aizenay. Outre son rôle de ressource, il est aussi valorisé pour les loisirs (baignade, promenade et surtout pêche).
Pour aller plus loin sur le patrimoine culturel et naturel
Patrimoine culturel :
- Consulter l’article Les paysages institutionnalisés
- Consulter la rubrique "Sites et paysages" sur le Portail de données communales de la DREAL Pays de la Loire
- Consulter l’Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture
- Consulter les Bases Architecture et Patrimoine du Ministère de la Culture
Patrimoine naturel :