L’effet « catalyseur de paysage » des grandes infrastructures

publié le 19 avril 2016 (modifié le 17 juin 2016)

Un réseau routier qui s’accroît et évolue

Au-delà des projets de grandes infrastructures d’échelle départementale ou régionale telle que la nouvelle A87, le réseau routier des Pays de la Loire évolue constamment, notamment à travers la création de voies communales.

En 5 ans, le réseau routier des Pays de la Loire a connu une augmentation de plus de 3 500 kilomètres. (Source : Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du territoire / Economie et statistiques)
En 5 ans, le réseau routier des Pays de la Loire a connu une augmentation de plus de 3 500 kilomètres. (Source : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du territoire / Economie et statistiques)


Les nouvelles liaisons ne viennent que rarement combler une absence entre villes ou villages, il s’agit davantage de créer des dessertes locales liées aux nouvelles zones urbanisées ou des voies de contournement de l’espace bâti.
Avec le développement d’itinéraires plus fluides et directs, on perd la notion d’étape. Les bourgs ne sont plus traversés, ce qui participe souvent à leur dévitalisation mais permet en contrepartie une diminution des nuisances ainsi que des réaménagements d’espaces public laissant une part moins importantes aux véhicules motorisés. La perception des villages est inversée et l’on ne découvre plus les cœurs urbains mais la silhouette urbaine, voire les fonds de parcelles. Les bourgs font partie du décor et sont de moins en moins des lieux de passage.

Sur la route entre La Flèche et Baugé en Anjou, à l'entrée nord de Clef-Val-d'Anjou (49), la silhouette du bourg se dessine mais le giratoire invite désormais à contourner le bourg par l'ouest, offrant une nouvelle perception du village
Sur la route entre La Flèche et Baugé en Anjou, à l’entrée nord de Clef-Val-d’Anjou (49), la silhouette du bourg se dessine mais le giratoire invite désormais à contourner le bourg par l’ouest, offrant une nouvelle perception du village


Entre ouverture et fermeture des paysages

Les caractéristiques des routes sont relativement similaires d’une région à l’autre. En revanche, l’ouverture des paysages sur l’horizon est très fortement différenciée à l’échelle régionale et donc l’incidence des routes sur ces paysages également.

La création de nouvelles infrastructures ne vient que rarement se calquer sur le parcellaire agricole existant et par extension sur le réseau bocager associé. Ainsi, dans les paysages fermés, bocagers ou boisés, les infrastructures ouvrent des perspectives visuelles pas simplement induites par l’arrachage des haies et le déboisement sur le passage de l’infrastructure mais également sur les abords de celle-ci à travers un remembrement et une modification parcellaire des terrains voisins.

Un giratoire et ses abords augmentent les perspectives visuelles dans le paysage semi-ouvert des vallons bocagers (Commune d'Entrammes au sud de Laval)
Un giratoire et ses abords augmentent les perspectives visuelles dans le paysage semi-ouvert des vallons bocagers (Commune d’Entrammes au sud de Laval)


A contrario, de l’effet « vitrine » ou belvédère procuré dans certains ouvrages, certains axes constituent des « tunnels verts » ne présageant pas forcément du paysage situé à 50 mètres de part et d’autre. Cette dynamique se distingue des plantations d’alignement le long des grands axes qui, une fois les arbres arrivés à taille adulte, magnifient l’axe et ouvrent des fenêtres latérales sur les paysages.

Mise en perspective des anciennes routes par un double alignement de platanes, route de Cossé-le-Vivien (53)
Mise en perspective des anciennes routes par un double alignement de platanes, route de Cossé-le-Vivien (53)

Des plantations qui ferment les vues sur le grand paysage et créent un « tunnel vert » (A28 en Sarthe)
Des plantations qui ferment les vues sur le grand paysage et créent un « tunnel vert » (A28 en Sarthe)


Avec pour objectif la diminution des nuisances et plus particulièrement du bruit, l’éloignement des routes structurantes vis-à-vis des secteurs urbanisés s’est accompagné d’ouvrages spécifiques. Les murs « anti-bruit » et merlons végétalisés constituent autant d’éléments de fermeture visuelle et cloisonnement des paysages. Ces éléments techniques répondant à une nuisance constituent des éléments paysagers de facture plus ou moins qualitative.

Les protections anti-bruit, peuvent constituer un élément paysager à part entière comme le long de la rocade du Lion d'Angers
Les protections anti-bruit, peuvent constituer un élément paysager à part entière comme le long de la rocade du Lion d’Angers


Des implantations liées à une connectivité et une accessibilité adaptée, quelles que soit leur insertion paysagère

Les évolutions sociétales et technologiques ont favorisé l’usage de la voiture particulière et la minute est devenue une unité plus employée que le kilomètre en matière de déplacements. Ainsi, alors que la durée moyenne des trajets quotidiens a peu évolué depuis 30 ans, passant de 16 minutes à 18 minutes, la distance moyenne a, en revanche, fortement progressé, passant de 17km à 25km.

En 30 ans, les distances quotidiennes parcourues par personne ont très fortement progressé en France Métropolitaine. (Source : Soes, Insee, enquêtes nationales transport)
En 30 ans, les distances quotidiennes parcourues par personne ont très fortement progressé en France Métropolitaine. (Source : Soes, Insee, enquêtes nationales transport)


En raison des grandes étendues concernées, la réalisation des infrastructures viaires impacte fortement la structuration des grands paysages. A la recherche d’une optimisation spatiale, ces infrastructures ne se détournent que de manière limitée d’un trajet rectiligne et à dénivelé modéré. Malgré une prise en compte du paysage croissante dans les études d’impact, les ruptures paysagères sont plus fréquentes, notamment dans l’espace agricole et périurbain. L’insertion de ces ouvrages est d’autant plus réussie que le soin apporté à la recomposition du paysage a été important en amont.

Des infrastructures qui recomposent le paysage (Saint-Melaine-sur-Aubance au sud d'Angers)
Des infrastructures qui recomposent le paysage (Saint-Melaine-sur-Aubance au sud d’Angers)


Des infrastructures qui changent d’échelle et qui modifient l’échelle de perception du paysage

Les infrastructures constituent un support privilégié de développement urbain et économique. Les paysages caractérisés par les autoroutes ne sont pas les même que ceux des autres infrastructures viaires et chaque axe développe son type de paysage. En illustration l’exemple d’Ancenis, qui à chaque nouvelle strate d’infrastructures (Façade ligérienne, boulevard de ceinture, contournement, échangeur autoroutier), associe un changement d’échelle du paysage. Les activités associées aux quais ligériens sont regroupées dans un tissu urbain dense et sur un linéaire limité. Plus l’infrastructure est grande, plus les activités associées composent un maillage lâche et étendu.

Quatre typologies viaires, 4 paysages économiques différenciés pour la ville d'Ancenis
Quatre typologies viaires, 4 paysages économiques différenciés pour la ville d’Ancenis


Le traitement est toutefois différent entre les anciennes infrastructures et les autoroutes plus récentes pour lesquelles l’inscription dans le paysage a fait l’objet de compromis. La réalisation des autoroutes A85 et A28 a, par exemple, fait l’objet de réflexion sur l’intégration paysagère et environnementale avec la réalisation de passages faune, de travaux de terrassements et de projets paysagers sur les délaissés. De même le développement en amont des zones d’activités s’est réalisé avec des velléités d’intégration paysagère.

Réflexion paysagère sur l'intégration des bassins d'orage en façade de zone d'activités au Lion d'Angers
Réflexion paysagère sur l’intégration des bassins d’orage en façade de zone d’activités au Lion d’Angers


Le long des axes structurants, les secteurs de nœuds routiers polarisent les zones d’activités économiques. Ce phénomène de catalyse s’illustre plus clairement sur les secteurs dynamiques et notamment le long du réseau structurant des départements de Loire-Atlantique et de Vendée.

Le long de l'A83 et des principales routes de la Vendée, les Vendéopôles sont essentiellement implantés sur les nœuds routiers. (Source : Vendée Expansion)
Le long de l’A83 et des principales routes de la Vendée, les Vendéopôles sont essentiellement implantés sur les nœuds routiers. (Source : Vendée Expansion)


Si ces zones aménagées offrent un réel potentiel de constructibilité pour les implantations économiques, elles constituent cependant de nouveaux espaces « en attente », aussi appelés « zones fantômes » qui composent des paysages caractéristiques.

Viabilisées et mises en vente, certaines zones d'activités peuvent mettre des années avant de trouver preneur, voire nécessiter un changement d'usage. (Zone d'activités de Beaulieu-sur-Layon)
Viabilisées et mises en vente, certaines zones d’activités peuvent mettre des années avant de trouver preneur, voire nécessiter un changement d’usage. (Zone d’activités de Beaulieu-sur-Layon)


Des dynamiques paysagères liées au réseau ferroviaire

A l’instar du réseau routier, les dessertes ferrées constituent un support de développement urbain et économique privilégié. Les évolutions paysagères ne se localisent pas seulement le long de la voie ferrée, qui constitue davantage un frein au développement, mais dans l’ensemble des secteurs situés à proximité de ces équipements, des abords immédiats jusqu’aux villages alentours.

A Sainte-Pazanne, la présence d'une gare est un facteur important d'attractivité et donc de développement urbain
A Sainte-Pazanne, la présence d’une gare est un facteur important d’attractivité et donc de développement urbain


Entre Nantes et Châteaubriant, le linéaire de l’ancienne voie ferrée a été réaffecté pour la mise en route d’une liaison tram-train. Les alignements boisés qui caractérisent cette voie ne sont que peu modifiés et la perception du paysage immédiat demeure similaire.

Après démantèlement de l'ancienne voie ferrée, les rails du tram-train viennent se positionner sur le même linéaire, sans modification majeure du paysage. (Source : RFF)
Après démantèlement de l’ancienne voie ferrée, les rails du tram-train viennent se positionner sur le même linéaire, sans modification majeure du paysage. (Source : RFF)


Toutefois, les infrastructures du réseau ferroviaire constituent également des ruptures marquées dans les paysages et si le linéaire n’évolue plus en dehors des lignes LGV ou d’opérations ponctuelles, les villages traversés, eux continuent d’évoluer. Ainsi, le réseau ferroviaire, indéplaçable, contraint l’extension des villes et villages situés sur ou à proximité de son trajet, favorisant un développement linéaire pour ne pas avoir à traverser la voie.

Grande infrastructure linéaire, l’arrivée de la ligne ferroviaire à grande vitesse dans les départements de la Sarthe et de la Mayenne n’est pas sans incidence sur les grands paysages traversés. Les dynamiques paysagères liées à la LGV ne sont pas uniquement induites par la visibilité des voies, des câbles et des ouvrages d’art qui se positionnent sur le trajet, en tunnels ou en franchissements de type viaduc. Les dynamiques se lisent également à travers l’évolution des parcelles limitrophes et le remembrement associé au projet. A l’échelle du grand paysage, le phénomène de remembrement s’est déjà observé à travers les précédentes infrastructures routières et ferroviaire et notamment l’ouverture de l’A81 en 1980. Ce réaménagement foncier participe à la diminution du bocage et ainsi accentue l’ouverture des paysages concernés.

Autre dynamique, indirecte, l’accentuation des phénomènes de pression urbaine. S’il n’est pas prévu de nouvelle gare sur le trajet, l’« effet LGV » se fera pleinement ressentir sur les gares déjà existantes et plus particulièrement celles de Laval et de Sablé-sur-Sarthe. A Laval, le réaménagement de la gare en véritable pôle d’échanges multimodal intégrant gare routière, bus urbains, mobilité douce et stationnements automobiles, devrait accentuer l’optimisation de la gare et son attractivité sur le grand territoire. A l’image du fort développement économique et résidentiel qu’a connu la périphérie mancelle, les paysages situés à proximité des agglomérations de Laval et de Sablé-sur-Sarthe pourraient connaitre un effet de périurbanisation renforcé et l’émergence de zones d’activités supplémentaires à proximité de la gare et des grands axes de circulation.

L’impact visuel de l’affichage publicitaire

Le long des routes structurantes, et de manière plus intensive à proximité des pôles urbains, l’affichage publicitaire participe au paysage. Bien en amont des entrées de ville, les panneaux d’affichage préfigurent la transition paysagère et constituent un marqueur des franges urbaines.

La multiplication des panneaux publicitaires le long des routes et en entrée de ville (Le Mans et Nantes)
La multiplication des panneaux publicitaires le long des routes et en entrée de ville (Le Mans et Nantes)


Malgré les obligations légales qui s’accentuent et le développement de chartes ad hoc, il est encore constaté beaucoup de sur-affichage publicitaire.

Des implantations techniques (lignes EDF, transformateur, …) qui caractérisent le paysage

En matière d’infrastructures et parfois d’activités économiques, le choix du site d’implantation peut être dicté par des aspects techniques. Il peut s’agir du potentiel de diffusion pour les différentes antennes, des vents pour les éoliennes ou encore de la recherche du circuit le plus court pour tous les réseaux, ceux de mobilité compris. Dans ces cas là, le paysage environnant, sauf en cas de protection particulière, notamment patrimoniale, n’a que peu d’incidence sur le choix d’implantation des infrastructures.

Les lignes à Très Haute Tension, visibles de loin, marquent fortement les paysages malgré des structures « non pleines ». (Commune d'Arnage)
Les lignes à Très Haute Tension, visibles de loin, marquent fortement les paysages malgré des structures « non pleines ». (Commune d’Arnage)


En revanche, son incidence sur celui-ci n’est pas négligeable. Les ouvrages énergétiques, allant de la ligne THT à l’ouvrage hydroélectrique, en passant par les éoliennes, peuvent être perceptibles de loin, notamment dans les paysages les plus ouverts et les moins vallonnés. La présence d’éoliennes notamment va très clairement caractériser le paysage que l’on pourra qualifier dans certains cas de paysage éolien. Ces paysages se retrouvent essentiellement à l’ouest de la région, sur la façade atlantique (sur le bocage rétro-littoral) et dans les bocages des marches de Bretagne et des Mauges). A noter que de nouveaux paysages littoraux pourraient voir le jour avec les projets d’éoliennes en mer au large de Noirmoutier et de l’île d’Yeu.

Paysage éolien et de lignes haute tension en plaine de Luçon
Paysage éolien et de lignes haute tension en plaine de Luçon


Des dynamiques paysagères liées aux grandes infrastructures, différentiées à l’échelle régionale

Le maillage viaire structurant des Pays de la Loire influe directement l’évolution des paysages alentours. Les dynamiques paysagères liées aux grandes infrastructures se distinguent selon les secteurs géographiques suivants :

  • Des paysages urbains support de développement périphérique : Les agglomérations principales mais aussi les villes secondaires connaissent une évolution de leurs paysages de frange avec un développement urbain important, tant résidentiel que d’activités, qui s’effectue sur les axes d’entrée dans les pôles urbains. Les grandes rocades et voies de contournement ne caractérisent plus une limite au développement urbain et économique.
  • Des paysages sous pression urbaine et économique liée aux infrastructures : Les grands axes reliant les agglomérations régionales sont le support d’un développement économique important mais accentuent également le développement résidentiel des communes situées à proximité des échangeurs.

Activités de la démesure – construction de paquebots, raffinerie, aéronautique, port de conteneurs…- elles ne s’intègrent pas au paysage : elles sont le paysage

La force de cette histoire est intimement liée à une géographie dont les enjeux stratégiques sont immenses : Nantes/Saint-Nazaire est le premier port français de la façade atlantique, Cordemais, la première centrale thermique de France, Donges, le troisième terminal pétrolier… La configuration de l’estuaire, conjuguée aux stratégies des acteurs économiques, a donné naissance à un paysage industriel qui a peu d’équivalent. C’est un paysage industriel associé à un paysage naturel d’estuaire qui n’a de force et de sens que lié à ce site géographique. Il a à ce titre un fort ancrage culturel dans la région (Les principales représentations culturelles des paysages)

L'estuaire de la Loire est fortement marqué par la présence de zones d'activités et d'industries (source : DREAL)
L’estuaire de la Loire est fortement marqué par la présence de zones d’activités et d’industries (source : DREAL)


La nature de l’activité et de ses process industriels génère des formes spectaculaires qui, sur les basses terres de l’estuaire, se signalent de très loin. Ici plus qu’ailleurs, on sait qu’il n’y a pas de paysages sans hommes. Et que l’activité humaine, c’est ici beaucoup plus que des formes et une esthétique : ce sont des mouvements importants (plus de 2000 employés travaillent aux chantiers navals…), des sons, des odeurs, des lumières 24h/24h.

Paysage industriel du port de Donges/Saint-Nazaire
Paysage industriel du port de Donges/Saint-Nazaire

Entre Saint-Nazaire et Nantes, le paysage s'illustre par l'alternance entre espaces naturels et sites industrialo-portuaires (Donges, vue du Corsept)
Entre Saint-Nazaire et Nantes, le paysage s’illustre par l’alternance entre espaces naturels et sites industrialo-portuaires (Donges, vue du Corsept)


Cet exemple dit bien que la qualité paysagère, même celle qui peut apparaître comme quelque peu brutale, naît du rapport étroit qu’elle tisse entre un territoire et le savoir faire des hommes qui y vivent.